Quand les péquistes ont pris le pouvoir, à l'automne 2012, ils ont annulé certaines décisions du gouvernement libéral de Jean Charest. Entre autres, ils ont annulé le prêt de 58 millions au producteur d'amiante Mine Jeffrey, au risque de payer une coûteuse pénalité.

Le nouveau gouvernement libéral pourrait-il faire de même avec les projets du gouvernement Marois? Voici le survol de quatre des projets les plus gourmands en fonds publics.

Le pétrole d'Anticosti

Le parti de Philippe Couillard n'est pas très chaud à l'idée d'explorer le pétrole de l'île d'Anticosti tel que proposé par le Parti québécois. Le chef entreprendrait d'abord des études environnementales avant de permettre le forage, à moins que les ententes signées lient le gouvernement. Une des vedettes économiques du parti, Jacques Daoust, a dénoncé l'injection de fonds publics dans des projets aussi risqués, mais s'est engagée à respecter les ententes déjà signées.

Or, une seule des deux ententes a été conclue, celle avec le consortium Pétrolia, le 1er avril. La filiale d'Investissement Québec, Ressources Québec, investira 70 millions, dont 56,6 millions directement pour l'exploration. Pétrolia a mis ses permis dans le partenariat, tandis que la firme Saint-Aubin E&P injectera 43 millions. La première phase d'exploration devrait débuter cet été.

Il y a donc lieu de penser que le deuxième projet, soit le partenariat avec Junex, pourrait rester lettre morte, d'autant plus que le groupe est toujours à la recherche d'un investisseur pour compléter le financement. Le gouvernement péquiste avait promis d'y injecter 43 millions.

Les éoliennes

En mai 2013, le gouvernement Marois a annoncé qu'Hydro-Québec achèterait 800 mégawatts d'électricité produite avec des éoliennes. Philippe Couillard s'est engagé à respecter le processus, qui suit son cours.

Toutefois, pour la suite des choses, le chef libéral a dit qu'il fallait «s'asseoir sérieusement et regarder si et comment on doit continuer, parce qu'effectivement, c'est assez coûteux comme énergie».

Sur les 800 MW promis par Pauline Marois et Martine Ouellet, des contrats pour seulement 150 MW ont été signés, le mois dernier, soit ceux du groupe formé par Innergex et la communauté micmaque de Gaspésie.

Les ententes pour une autre tranche de 450 MW sont encore loin d'être conclues, puisque les appels d'offres ne seront pas déposés avant le 3 septembre.

Enfin, Hydro-Québec Production est censée développer elle-même des éoliennes pour 200 MW d'énergie, mais le projet est au point mort, nous indique la société d'État.

Bref, il reste beaucoup à faire dans ce dossier. Selon Hydro, environ 60% de la hausse des tarifs de la semaine dernière (4,3%) s'explique par la mise en service des parcs d'éoliennes du dernier appel d'offres. Tout indique que les appels d'offres en cours auront donc un nouvel impact sur les tarifs.

La cimenterie de Port-Daniel-Gascons

En campagne électorale, Philippe Couillard a promis de ne pas reculer sur le projet de cimenterie de 1,03 milliard de Port-Daniel-Gascons, en Gaspésie. Respectera-t-il sa promesse? Le projet hyper polluant accordé sans analyse environnementale constitue l'une des cinq plus importantes injections de fonds publics jamais accordées par le Québec. Globalement, le gouvernement y injecte 100 millions de capital, en plus de prêter 250 millions sans garantie.

Le contrat n'est toutefois pas encore signé entre le promoteur Ciment McInnis et le mandataire du gouvernement, Investissement Québec, nous indique ce dernier. Les autres partenaires du projet sont la famille Beaudoin-Bombardier et la Caisse de dépôt et placement, entre autres.

Dans l'industrie, les cimenteries Lafarge et Holcim, entre autres, se plaignent de concurrence déloyale, surtout qu'elles disent n'utiliser que 60% de leur capacité. Justement, Philippe Couillard a déclaré, à Percé: «Écoutez, on va simplement vérifier si le plan d'affaires ne nuit pas aux cimenteries déjà établies au Québec.»

Le Carré Saint-Laurent

Le gouvernement péquiste a appuyé la construction d'un projet immobilier de 160 millions à l'angle du boulevard Saint-Laurent et de la rue Sainte-Catherine, à Montréal, appelé Carré Saint-Laurent.

Les libéraux ne se sont pas prononcés publiquement sur le Carré Saint-Laurent. Toutefois, le projet soulève l'ire de certains promoteurs privés parce que le gouvernement péquiste a accepté de louer, sans appel d'offres, la totalité des locaux de bureaux. De fait, quelque 700 fonctionnaires provenant d'autres immeubles du grand centre-ville devraient y déménager.

Le projet vise à revitaliser le secteur, qui en a grand besoin. Il comprend aussi des condos et des locaux commerciaux. Il est appuyé par le ministre sortant de la région de Montréal, Jean-François Lisée, dont le bras droit André Lavallée est une une connaissance de longue date du promoteur Christian Yaccarini. Le Carré Saint-Laurent est financé par Fondaction CSN et devrait débuter avant la fin d'octobre prochain.

L'entente de location de 25 ans a été signée en octobre dernier. Elle fera en sorte que le gouvernement paiera 45% de plus pour loger les fonctionnaires que ce qu'il paie actuellement dans d'autres locaux plus anciens. S'il rompait le contrat, le gouvernement libéral devrait payer une pénalité.

Et les autres projets?

Le gouvernement péquiste a annoncé d'autres projets privés qui nécessitent des fonds publics (Aldo, FerroAtlantica, etc.). Il apparaît peu probable que le gouvernement libéral les rejette.

En effet, depuis de nombreuses années, péquistes comme libéraux poursuivent une stratégie semblable pour attirer des investissements (garanties de prêt, subventions à l'innovation, tarifs hydro-électriques avantageux, etc.), et il serait surprenant qu'il y ait un gros changement de cap à cet égard.

Le portrait aurait été différent si la Coalition avenir Québec (CAQ) et son chef avaient pris le pouvoir. François Legault promettait notamment d'annuler les projets d'éoliennes et de cimenterie.