En venant à Québec, je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'attendais pas, en cette veille d'élections, à ce que le gouvernement risque de se mettre à dos les parents, les médecins, les fonctionnaires, les commissions scolaires et les hôpitaux.

Peut-être suis-je naïf, mais est-il possible que ce gouvernement social-démocrate ait compris, même partiellement, le message des économistes qui sonnent l'alarme: il faut augmenter l'efficacité de l'État et contenir les dépenses?

Au cours de l'année qui commence le 1er avril, le gouvernement projette une hausse des dépenses de santé de 3 %, passablement moins que la moyenne de 4,4 % des trois dernières années. En éducation, la hausse est la même que celle des trois dernières années (3 %).

Surtout, les dépenses des autres ministères et des organismes seront réduites de près de 1 %, une compression de 274 millions.

Pour y parvenir, le gouvernement annonce déjà ses couleurs pour la négociation collective qui s'amorcera en 2014 (les conventions viennent à échéance le 31 mars 2015). Il veut offrir à ses 430 000 employés une rémunération «responsable», dont la hausse sera, entre autres, fonction de la croissance de l'économie. Rappelons-le, la rémunération des employés représente 59 % des dépenses de programme du gouvernement, soit 37,2 milliards.

Les médecins, souligne Nicolas Marceau, ont bénéficié d'un rattrapage salarial de 67 % sur cinq ans, comparativement à une hausse de 22 % pour les autres employés.

De tels propos dans un budget, même imprécis, irriteront les syndicats et les lobbys de médecins, notamment la Fédération des médecins spécialistes du Québec. La puissante fédération, dirigée par Gaétan Barrette, fait une justement une coûteuse campagne publicitaire télévisée en ce moment pour redorer l'image de la profession.

Trou de 1 milliard

Bien sûr, il s'agit d'objectifs de compressions des dépenses «ambitieux», comme l'a constaté le Vérificateur général dans son rapport, et les gouvernements ont rarement réussi à atteindre de telles cibles. Bien sûr que les décisions les plus difficiles restent à venir. Pour l'année prochaine (2015-2016), par exemple, le gouvernement prévoit revenir au déficit zéro, mais il a un trou à combler de près de 1 milliard de dollars. Comment y parviendra-t-il? Mystère.

Néanmoins, le gouvernement constate clairement que ses dépenses sont trop élevées par rapport à son niveau historique et se définit une cible, une nouveauté. Entre 1972 et 2012, les dépenses du gouvernement équivalaient à 20,9 % du PIB, contre 22,4 % en 2013-2014.

Québec veut ramener cette proportion à 21,7 % du PIB d'ici trois ans.

Le plus intéressant du budget est le plan d'action à plus long terme pour équilibrer les finances publiques. Le gouvernement veut améliorer l'efficacité du gouvernement en établissant la valeur de chaque service offert. «Est-ce que tous les services qu'on offre aux citoyens sont encore utiles?», s'interroge le ministre.

Entre autres, Nicolas Marceau souscrit au rapport du Groupe d'experts sur le système de santé, qui avait été mandaté, précisons-le, par le gouvernement libéral. D'ici quelques années, promet le ministre, les hôpitaux ne seront plus financés en fonction du budget de l'année précédente, mais en tenant compte du coût moyen de chaque service offert.

Par exemple, une opération chirurgicale d'un jour coûte en moyenne 3224 $ dans les 74 établissements du Québec. Or, 55 % des hôpitaux avaient un coût supérieur. D'ici cinq ans, Québec détaillera les coûts de chaque type d'intervention chirurgicale et financera les hôpitaux, entre autres, sur cette base. Ça vous coûte plus cher? Désolé, c'est ce qu'on vous donne désormais.

Même genre d'efficacité recherchée pour les commissions scolaires. Le gouvernement constate que les commissions ont une taille optimale lorsqu'elles comptent entre 25 000 et 35 000 élèves. A-t-on besoin d'avoir sept commissions scolaires dans le secteur Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine?

Pourquoi pas trois?

Certains diront qu'il s'agit de voeux pieux, qu'il s'agit encore une fois de rapports qui s'empoussièreront sur les tablettes. Ils ont peut-être raison. Mais chose certaine, l'amélioration de l'efficacité, de l'efficience, de la productivité des services publics est un passage crucial pour conserver un système exigeant dans un contexte économique difficile.

Souhaitons que l'efficacité de l'État restera réellement au coeur des préoccupations de ce gouvernement péquiste, s'il est réélu, ou de celui qui le remplacera.