Le gouvernement péquiste avait pris une bonne décision en retirant son appui financier au projet de production d'amiante de la Mine Jeffrey. Aujourd'hui, la facture de cette décision risque toutefois d'être salée.

Peu après son élection, à l'automne 2012, Pauline Marois avait cassé la décision du gouvernement libéral dans ce dossier. Plus question de prêter 58 millions de dollars aux promoteurs pour produire de l'amiante, un produit hautement cancérigène.

Or, depuis l'annonce, les promoteurs négocient fermement avec le gouvernement pour obtenir une importante compensation financière. Selon nos informations, ils veulent l'équivalent de tous les profits futurs qu'ils espéraient tirer de la vente d'amiante, soit 40 millions de dollars. En plus, les deux parties doivent s'entendre sur le partage des coûts de fermeture du site situé près d'Asbestos, qui s'élèvent à environ 9 millions de dollars.

La Mine Jeffrey, rappelons-le, était sur le point d'être relancée par deux promoteurs locaux (Bernard Coulombe et Baljit Chadha) et un partenaire de Thaïlande, Ulan Marketing. On prévoyait créer 500 emplois dans une région éprouvée. L'amiante devait principalement servir à la production de tuiles d'amiante pour toitures en Thaïlande par une firme associée à Ulan.

Le dossier avait rebondi en pleine campagne électorale au Québec lorsqu'on avait compris que le Québec encourageait l'exportation d'amiante en Thaïlande alors que ce pays était sur le point de l'interdire pour cause de santé publique.

Aujourd'hui, les deux parties ne s'entendent pas, mais aucune démarche juridique n'a encore été entreprise. Pour le gouvernement, il n'est pas question de débourser ces 40 millions, une réclamation jugée excessive. Le gouvernement libéral, rappelons-le, avait déjà décaissé 7 des 58 millions du prêt, en catimini.

Selon la jurisprudence dans ce genre de situation, le prêteur qui retire brusquement un financement peut être tenu de payer de lourds dommages. Ce fut le cas dans une cause qui opposait la famille Houle - des entrepreneurs - à la Banque Nationale. En mai 1990, la Cour suprême a donné raison à la famille Houle et déclaré que la banque avait abusé de ses droits en rappelant son prêt trop rapidement, ce qui avait causé la liquidation de l'entreprise familiale.

Dans le cas de la Mine Jeffrey, toutefois, le gouvernement pourrait invoquer que la relation entre Investissement Québec - bras financier du gouvernement - et les promoteurs est différente. Aucune institution financière privée n'était disposée à appuyer le projet comme Investissement Québec. Le prêt de cette dernière n'était pas basé sur des considérations financières usuelles, mais sur des critères politiques et de développement économique.

Quoi qu'il en soit, la fin de la production d'amiante au Québec se réglera probablement en cour et risque de nous coûter cher.

La bévue de Revenu Canada

Vous souvenez-vous de l'erreur de l'Agence du revenu du Canada (ARC) concernant les prestations fiscales pour enfants? Mais oui, cette erreur dénoncée par le fiscaliste Yves Chartrand dans nos pages, à l'automne 2012, qui privait des milliers de familles canadiennes de millions de dollars.

À l'époque, la ministre du Revenu, Gail Shea, s'était publiquement excusée pour cette bévue, lançant du même coup un programme de remboursement. Il avait fallu plusieurs mois de pressions d'Yves Chartrand, une plainte à l'ombudsman des contribuables, en plus d'un reportage étoffé dans La Presse, pour que l'Agence et la ministre finissent par admettre leur erreur.

À l'époque, toutefois, la ministre jugeait que la bévue de l'Agence ne touchait que 8000 familles canadiennes, même si des fonctionnaires de son ministère constataient que le problème était beaucoup plus gros. De son côté, Yves Chartrand, président du Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF), faisait une estimation prudente de 20 000 familles et plus de 20 millions de dollars.

Qu'en est-il, finalement? Au total, 57 341 familles canadiennes ont été lésées par l'erreur de l'Agence, selon les renseignements qu'a obtenus le CQFF grâce à une demande d'accès à l'information. La somme remboursée oscille maintenant entre 65 et 78 millions, selon le CQFF. Autrement dit, la bévue est sept fois plus importante que ne l'admettait la ministre.

Essentiellement, l'Agence avait réduit les prestations des familles qui avaient changé de statut matrimonial en appliquant les nouvelles du budget, mais en faisant erreur sur la date d'application, soit juin 2011. À partir de janvier 2012, certaines familles avaient vu leurs prestations annuelles réduites indûment de 7000$, par exemple.

Comme quoi on ne peut se fier aux prévisions d'une ministre!