Dans l'univers des médias, il s'agit d'une transaction colossale. Dans le monde du hockey, l'entente est un véritable pactole. Sous l'angle boursier, toutefois, la transaction est jugée plutôt...insignifiante. Ah bon? Voyons voir.

Hier, une petite bombe attendait les médias: après une douzaine d'années chez Bell Média, la diffusion des principaux matchs de hockey de la LNH passe chez Rogers-TVA. Exit le hockey des séries à RDS et à TSN: dès l'an prochain, il faudra syntoniser TVA ou Sportsnet pour voir Carey Price éliminer les Sénateurs d'Ottawa.

Rogers Communications a mis le paquet pour mettre la main sur ces droits stratégiques. Sur 12 ans, elle allongera 5,2 milliards de dollars à la LNH pour diffuser au Canada l'essentiel des matchs de hockey professionnel. Elle cède à Québecor les droits de diffusion francophones de 22 matchs du Canadien, en plus des matchs des séries éliminatoires.

La transaction change donc complètement le portrait de diffusion. Certes, il reste encore une soixantaine de matchs du calendrier régulier que le Canadien peut attribuer directement à Bell-RDS ou à Québecor-TVA, mais pour voir les meilleures parties, les fans devront s'abonner à TVA Sports, vraisemblablement.

Le grand perdant est probablement CBC, le réseau anglais de Radio-Canada. Certes, la société d'État pourra continuer de diffuser les matchs pendant quatre ans le samedi soir, mais sans toucher de revenus publicitaires ni contrôler le contenu. Elle perdra donc, dès l'an prochain, environ 175 millions de dollars de revenus publicitaires, soit plus de 40% de son total publicitaire. Ouch!

Pour rester dans la course, Radio-Canada aurait probablement dû débourser près de 200 millions de dollars par an, soit le double des droits versés actuellement, ce qu'elle n'avait pas les moyens de faire, avance Pierre Bélanger, professeur au département de communication de l'Université d'Ottawa.

Maintenant, la question à 5,2 milliards: Rogers réussira-t-elle à faire de l'argent avec cette offre, alors que sa concurrente Bell Canada, qui nage dans les chiffres depuis 15 ans, n'a pas cru rentable de surenchérir?

Bien sûr, le hockey intéresse les 18-34 ans, le marché cible de Rogers pour ses produits de télécommunications. L'entreprise allonge toutefois deux fois plus d'argent que l'entente qui vient à échéance, estiment les observateurs avisés. C'est beaucoup d'argent!

Pour les équipes de hockey et les joueurs, c'est le pactole. La transaction assure l'avenir de la LNH, puisque les revenus de diffusion représentent une part importante du chiffre d'affaires des équipes. Ces revenus représentent environ 20% de leurs revenus totaux et cette part pourrait doubler, toutes choses étant égales par ailleurs.

Insignifiant?

Cela étant dit, comment la transaction influence-t-elle l'avenir boursier des principaux protagonistes de l'affaire, soit Bell Canada (BCE), Rogers Communications et Québecor?

Drew McReynolds, analyste de RBC Marchés des capitaux, considère que la transaction pour Rogers Communications «n'est pas significative». Même constat de l'analyste Maher Yaghi, de Valeurs mobilières Desjardins, qui juge que l'entente n'est pas significative pour Rogers, ni pour Bell Canada et Québecor.

«La transaction est importante pour l'image, mais son impact est très petit pour ces entreprises gigantesques», dit-il.

Un coup d'oeil aux chiffres est convaincant. L'an dernier, Bell Canada a empoché un bénéfice d'exploitation de 8,5 milliards de dollars. Que cette transaction lui fasse perdre ou gagner 25 millions par année, tout compte fait, est donc plutôt insignifiant.

Même raisonnement pour Rogers, dont le bénéfice d'exploitation annuel frise les 5 milliards. Dans le cas de Québecor, le bénéfice d'exploitation est moindre, à 1,5 milliard, mais la transaction ne la touche que partiellement.

Hier, la méganouvelle a fait perdre 22 cents à l'action de Bell Canada en Bourse, soit 0,5%. Québecor a aussi perdu 0,5%, à 26,34$, tandis que le titre de Rogers a glissé de 1,2%, 46,32$. Le recul peut paraître important pour Rogers, mais il faut savoir que l'ensemble de la Bourse de Toronto a chuté de 1%, hier, et que le titre de Rogers a oscillé entre 41 et 52$ depuis un an.

Bref, l'impact est somme toute assez limité, sauf pour le titre de TVA. Les boursicoteurs ont jugé que l'organisation a fait une bonne affaire, poussant le titre à la hausse de 5,4%, à 8,98$.

Quoi qu'il en soit, une seule chose est vraiment importante pour les vrais fans de hockey, dont je suis: que le Canadien trouve le moyen de ramener la Coupe Stanley à Montréal! N'est-ce pas?