Quand le président des États-Unis se fâche, vous avez intérêt, comme entreprise, à ne pas être la source possible de son mécontentement. Surtout si cette irritation concerne LE projet qu'il chérit depuis des années.

Maintenant, advenant que ce soit le cas, votre organisation a tout intérêt à trouver des solutions ingénieuses pour se sortir du pétrin. Surtout si l'affaire fait tache d'huile dans les médias.

Résumée simplement, voilà la situation dans laquelle se trouve le Groupe CGI, ce géant des services-conseils en informatique de Montréal. Sa filiale américaine CGI Federal est le principal concepteur de la plateforme derrière le site américain Healthcare.gov. Ce site internet est la partie visible de l'"Obamacare", le fameux programme destiné à donner une assurance maladie aux citoyens les moins nantis des États-Unis.

Depuis son lancement, au début du mois d'octobre, les visiteurs se butent à une série de problèmes techniques en accédant au site. Les médias ont repris l'affaire, certains montrant du doigt la canadienne CGI, notamment le Wall Street Journal et le Washington Post. Les opposants de Barack Obama - les républicains - font leurs choux gras de cette histoire, eux qui, tout récemment, réclamaient l'abandon de l'Obamacare en échange du relèvement du plafond de la dette.

L'excentrique Donald Trump croit que le travail aurait été mieux fait par des Américains, un sentiment que partagent bien des Américains patriotiques... à tort, évidemment.

Bref, CGI est dans de beaux draps, même si aucun expert ne lui a attribué directement la responsabilité du dérapage. De fait, il appert que l'intégration du travail fait par les 55 entreprises du projet est ce qui pose problème. Qu'importe, «personne n'est plus fâché que moi», dit Barack Obama, et l'affaire ternit la réputation de CGI.

En bons gestionnaires informatiques, les dirigeants du Groupe CGI devraient trouver des solutions aux problèmes. Mais l'organisation doit aussi se soucier de l'impact sur son image.

«CGI ne peut laisser la médisance à son sujet durer trop longtemps. L'entreprise doit avoir une préoccupation pour ses futurs contrats. Elle doit songer à publier un communiqué pour préciser les faits. S'ils font des actions, ils doivent les communiquer», croit Isabelle Perras, directrice générale de Citoyen Optimum, une firme de relations publiques.

Avant d'agir trop vite, croit de son côté Paul Wilson, du cabinet de relations publiques National, il faut faire le constat de la grande crédibilité de CGI dans le marché. Et se rappeler que les clients de l'entreprise ne sont pas les consommateurs, mais les entreprises.

«S'ils communiquent avec leurs principaux clients et fournisseurs, actuellement, c'est la chose à faire. Le danger, dit-il, c'est qu'en faisant une communication grand public, on laisse l'impression qu'on est responsable, alors que ce n'est pas le cas.»

L'expert en gestion de crise Pierre Guillot-Hurtubise croit que CGI devait avoir prévu les problèmes et leur impact médiatique depuis un certain temps, étant au coeur du projet. «Les dirigeants doivent maintenant sécuriser les employés, les fournisseurs et les investisseurs», dit M. Guillot-Hurtubise, patron de la firme Octane Stratégies.

Tous s'entendent sur une chose: CGI ne doit pas répondre au dénigrement de son statut canadien ou aux tensions politiques américaines entourant l'affaire, ni blâmer ses partenaires ou son client. L'organisation doit se concentrer sur l'aspect technique. Le porte-parole principal devrait être un Américain, cependant.

Comme Isabelle Perras, M. Guillot-Hurtubise publierait un ou des communiqués de presse pour préciser l'implication de CGI. «Sans admettre de faute, le communiqué devrait souligner la complexité de l'opération et la volonté de l'organisation de tout faire pour régler le cas, en mettant ses meilleurs éléments sur le dossier. Le communiqué rappellerait la solidité et la fiabilité de l'entreprise partout dans le monde», explique M. Guillot-Hurtubise.

Il faudra vraisemblablement un certain temps avant de voir le dossier se résorber. Hier, un comité du Congrès américain a dévoilé un document laissant entendre que ce sont les exigences tardives de la Maison-Blanche qui auraient provoqué les ratés, et non le travail de CGI. L'enquête n'est pas terminée.

Selon les experts, des annonces publicitaires de CGI sont inutiles pour le moment. Plus tard, une fois la poussière retombée, il pourrait toutefois être opportun de redorer l'image de l'organisation en faisant une campagne de publicité ciblée, par exemple dans les magazines spécialisés. Une campagne de relations publiques pourrait également être opportune, entre autres des entrevues accordées à certains médias.

Évidemment, tout repose sur une résolution progressive et à moyen terme des pépins techniques. Si l'affaire prend de l'ampleur et si CGI est encore davantage dans la tourmente, il faudra être plus proactif, tout en ne se mettant pas à dos l'un de ses plus importants clients, soit le gouvernement américain.