Vancouver compte 11 élus municipaux, Calgary, 15 et Toronto, 45. Pendant ce temps, à Montréal, on en dénombre 103!

C'est connu, les vagues de fusions et de défusions à Montréal n'ont pas allégé la structure de gestion de la ville. Aujourd'hui, la question se pose: pourquoi faut-il 10 fois plus d'élus pour diriger Montréal qu'une ville de l'Ouest canadien? Sommes-nous des maniaques de politique?

Mystérieusement, la question ne fait pas l'objet de chauds débats dans la campagne électorale. Certains défenseurs de notre système soutiennent que la réduction du nombre d'élus n'entraînerait pas d'économie substantielle. Selon eux, les élus restants auraient besoin d'équipes plus imposantes pour servir la population, qui commanderaient des salaires tout aussi importants.

Des chercheurs de l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal et du CIRANO se sont justement penchés sur la question. Pour vérifier cette hypothèse, le professeur Jean-Philippe Meloche et le doctorant Patrick Kilfoil ont vérifié dans quelle mesure le coût de fonctionnement des conseils municipaux au Canada varie avec le nombre d'élus.

Ils ont également voulu savoir si le nombre d'élus a un impact significatif sur le budget total d'une ville. Autrement dit, ils ont cherché à vérifier si l'ajout d'un élu a tendance à faire enfler le budget d'une ville en raison des besoins que crée ce nouvel élu, essentiellement. Leurs résultats sont fort intéressants.

D'abord, ils ont constaté que Montréal compte le plus grand nombre d'élus parmi les villes de plus de 200 000 habitants au Canada (voir tableau). Cependant, toutes proportions gardées, la palme du plus grand nombre d'élus ne revient pas à Montréal, mais à Gatineau et à Longueuil.

Pour chaque tranche de 100 000 électeurs, le nombre d'élus est de 10,4 à Gatineau et de 9,5 à Longueuil. Montréal vient au troisième rang, à 9,3, suivi de Laval, à 8,2. Québec était aussi dans le peloton de tête, mais la ville de Régis Labeaume a descendu autour de la médiane canadienne depuis que son administration a réduit le nombre d'élus.

Remarquez que ce sont toutes des villes du Québec. En queue de peloton, on retrouve Edmonton, Calgary, Vancouver, Toronto et Mississauga, avec moins de 3 élus par 100 000 électeurs.

Les chercheurs ont obtenu des résultats clairs quant à l'impact du nombre d'élus sur le budget de fonctionnement des conseils municipaux. Ainsi, une baisse du nombre d'élus de 1% dans une ville entraîne une baisse presque équivalente des dépenses du conseil (0,8 à 0,9%). Autrement dit, la diminution du nombre d'élus n'est pas compensée par une augmentation du personnel de soutien des autres élus, ou à peine.

Ainsi, si Montréal réduisait le nombre de ses élus d'environ 40% (de 103 à 63), les dépenses du conseil diminueraient de près de 35%, soit de 17,5 millions par an, estiment les chercheurs.

L'étude a également permis de déceler une corrélation entre le nombre d'élus et le budget total des villes, bien que les résultats ne soient pas aussi robustes. Ainsi, l'ajout de 1% d'élus au conseil d'une ville pourrait entraîner un accroissement maximal de 0,4% à son budget total. «Dans une ville comme Montréal, cela implique que l'ajout d'un seul élu puisse entraîner des dépenses budgétaires supplémentaires de l'ordre de 16 millions», est-il écrit dans l'étude.

Les auteurs précisent toutefois qu'il faut interpréter ces résultats avec prudence. «Il pourrait y avoir un impact, mais on ne peut l'affirmer hors de tout doute», nous dit Jean-Philippe Meloche, qui convient qu'un moins grand nombre d'élus pourrait se traduire par plus d'efficacité dans les décisions.

Cela dit, les auteurs ont fait des constatations intéressantes pour les plus petites villes du Québec. Ces municipalités de plus de 20 000 habitants comptent une proportion plus grande d'élus que les grandes villes, qui elles-mêmes ont plus d'élus qu'ailleurs au Canada. Par exemple, Boisbriand, Saint-Lambert ou Varennes comptent cinq fois plus d'élus par électeur que Montréal, Laval et Québec.

«Un abaissement de la taille minimale du nombre d'élus de 7 à 5 pour les petites municipalités du Québec (la norme en Ontario) permettrait de diminuer le nombre d'élus de près de 1900 dans ces municipalités. L'effet budgétaire serait important», écrivent les auteurs.

Quoi qu'il en soit, les chercheurs rappellent que le nombre d'élus est loin d'être le principal facteur d'augmentation des dépenses. Comme on peut s'y attendre, c'est la population qui en dicte avant tout le niveau.

Puis-je me permettre d'ajouter que la rémunération des milliers de cols bleus, de cols blancs et autres fonctionnaires municipaux a un impact beaucoup plus grand sur le budget que celui du nombre d'élus. Surtout pour des grandes villes comme Montréal, où cette rémunération défie toute comparaison avec le privé, le provincial ou le fédéral.

Pour lire l'étude »»

Nombre d'élus dans les villes du Canada *

Montréal 103

Toronto 45

Québec ** 38

Longueuil ** 27

Halifax ** 24

Ottawa 24

Laval 22

Gatineau 18

Winnipeg 17

Hamilton 16

London (Ont.) 15

Calgary 15

Markham (Ont.) 13

Edmonton 13

Mississauga (Ont.) 12

Saskatoon 11

Kitchener (Ont.) 11

Windsor (Ont.) 11

Brampton (Ont.) 11

Vancouver 11

Burnaby (C.-B.) 9

Vaughan (Ont.) 9

Surrey (C.-B.) 9

* Pour les villes de plus de 200 000 habitants en 2006, année du recensement de Statistique Canada.

** Entre 2006 et 2013, Longueuil, Québec et Halifax ont diminué le nombre de leurs élus à 16, 22 et 17, respectivement.

Source: Jean-Philippe Meloche et Patrick Kilfoil, Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal