Le gouvernement du Parti québécois veut interdire aux employés de l'État le port de signes religieux ostentatoires pour affirmer le caractère laïque de l'État. Il veut aussi inscrire le principe de laïcité dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Or, le principal collecteur de fonds de l'État, le fisc, encourage la pratique de la religion plutôt que la laïcité. Plusieurs mesures incitatives viennent en effet renforcer les religions. Ces mesures coûtent probablement entre 50 et 100 millions de dollars par année au gouvernement du Québec et aux municipalités, selon nos premières estimations.

Essentiellement, cinq mesures favorisent la pratique des diverses religions. La plupart de ces mesures visent l'ensemble des organismes de bienfaisance reconnus par le fisc. Au fil des ans, les tribunaux ont toutefois statué que les organismes religieux étaient bienfaisants, au même titre que Centraide ou Oxfam. Greenpeace n'est toutefois pas considérée comme un organisme de bienfaisance, même si ses partisans ont une foi inébranlable.

Les tribunaux ont débattu, certes, et la jurisprudence fiscale est bien établie. Toutefois, «le législateur est souverain. Il peut retirer les avantages fiscaux pour fins religieuses, pourvu qu'il ne fasse aucune discrimination entre les religions», explique le professeur de fiscalité André Lareau, de l'Université Laval.

Regardons les avantages fiscaux de plus près. D'abord, il y a les dons faits par les contribuables aux organismes religieux reconnus, qui donnent droit à un crédit d'impôt, tant au fédéral qu'au provincial. Ce crédit est de 32,5% pour la première tranche de 200$ de dons et de 48,2% pour la portion qui excède 200$. Autrement dit, sur un don de 1000$, par exemple, le fisc paie 450$.

Ensuite, le fisc exempte les organismes de bienfaisance non lucratifs, religieux ou autres, de l'impôt sur le revenu (leur taux d'imposition serait de 19% pour la plupart). De plus, Revenu Québec leur accorde un remboursement de 50% de la TPS et de la TVQ payées sur leurs achats.

Les nombreux lieux de culte catholiques, juifs, musulmans ou autres bénéficient également d'une pleine exemption de l'impôt foncier. Il est possible qu'ils doivent payer une compensation pour certains services municipaux (déneigement, aqueduc, etc.), mais cette compensation demeure moindre que le serait l'impôt foncier, s'accordent à dire les fiscalistes.

Ce n'est pas tout. Les membres d'un ordre religieux (prêtre, imam, etc.) peuvent déduire les dépenses qu'ils consacrent à leur logement jusqu'à un maximum de 10 000$ par année, soit l'équivalent d'un loyer de 833$ par mois. Le gouvernement du Québec estime que cet avantage lui coûte 3 millions de dollars par année.

Au moment de mettre sous presse, on n'avait pu obtenir de l'Agence du revenu du Canada et de sa contrepartie au Québec une estimation des dons faits aux organismes religieux et des crédits d'impôt sous-jacents. Toutefois, il a été possible de faire une estimation avec les données de Statistique Canada.

Selon l'agence fédérale, les revenus des organismes religieux au Québec ont totalisé 431 millions de dollars en 2009 (il s'agit de la plus récente année disponible). Sachant que ces revenus proviennent essentiellement de dons, nous estimons que le Québec a accordé aux contribuables donateurs environ 55 millions de dollars de crédits d'impôt, comparativement à 36 millions pour le fédéral. Il s'agit d'un manque à gagner annuel net pour l'État.

Le gouvernement pourrait, de plus, décider de faire payer des impôts aux organismes religieux sur ces 431 millions de revenus, actuellement pleinement exemptés. Il va sans dire que cette décision serait fortement contestée, mais le cas échéant, le provincial récolterait environ 35 millions et le fédéral, 47 millions.

En somme, pour le Québec, les avantages accordés pour la religion pourraient atteindre 100 millions de dollars, soit le manque à gagner pour les dons (55 millions), l'exemption d'impôt pour les organismes religieux (35 millions), la déduction pour logement (3 millions), le remboursement de la TVQ/TPS (indéterminé) et l'exonération de la taxe foncière (indéterminé).

Il s'agit, bien sûr, d'un ordre de grandeur. Il sert toutefois à démontrer que l'État, par son organisme de perception fiscal, avantage clairement la religion, au détriment de la laïcité.

J'ai un avis partagé sur la fameuse Charte des valeurs québécoises. Les membres d'un groupe religieux, depuis leur tout jeune âge, finissent par être endoctrinés par les principes de leur religion et perdent ainsi la fameuse liberté individuelle que défend la charte. L'État laïque, notamment dans les relations hommes-femmes, n'a pas à avaliser cette soumission dans ses institutions.

Par contre, comment peut-on justifier que l'État empêche une femme voilée de garder des enfants? Et comment ne pas être inquiets de l'image d'intolérance des Québécois que renvoie cette charte ici et ailleurs? Déchirant.

Si le Québec veut imposer la laïcité, toutefois, ne devrait-il pas d'abord retirer aux groupes religieux et à leurs donateurs les nombreux avantages fiscaux, payés par l'ensemble des contribuables?

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AVANTAGES FISCAUX LIÉS AUX RELIGIONS: UNE FACTURE DE 100 MILLIONS

> Crédits d'impôt pour les dons aux organismes de bienfaisance religieux

> Exemption totale de l'impôt sur le revenu pour les organismes de bienfaisance religieux

> Aucune taxe foncière pour les lieux de culte

> Déduction d'impôt pour les résidences des membres d'un ordre religieux

> Remboursement à 50 % de TPS-TVQ payé pour les organismes de bienfaisance religieux