Voici la deuxième de deux chroniques sur Hydro-Québec et son régime de retraite. Dans la première, il était question du monstrueux déficit du régime, payé par les contribuables. Aujourd'hui, nous faisons état des conditions incroyablement avantageuses des employés d'Hydro.

Dans quelques mois, André, Bénédicte et Charles prendront leur retraite. Au menu: party, champagne et anecdotes nostalgiques. Les trois amis de 64 ans envisagent toutefois radicalement la suite des choses, même s'ils ont terminé leur carrière avec le même salaire, de 90 000$.

C'est que les trois ne travaillaient pas pour le même employeur. Le premier, André, travaille pour Hydro-Québec depuis 35 ans. Et pour lui, tout est permis ou presque. Jusqu'à sa mort, il aura droit à une généreuse rente garantie par son régime de retraite.

Cette rente, de 56 200$ la première année, est indexée au coût de la vie. En ajoutant la rente de la Régie des rentes du Québec (12 200$), sa «paye» annuelle tournera autour de 68 400$. Voyages, croisières et autos de luxe sont dans ses plans. Youpi, la belle vie!

Bénédicte a aussi un bon régime. Comme André, son employeur a un régime à prestations déterminées - surtout offert dans le secteur public - qui lui garantit une rente à vie. Toutefois, son régime n'est pas aussi généreux et, surtout, sa rente ne sera pas indexée. La première année, Bénédicte touchera donc presque 8000$ de moins qu'André, et cet écart ira s'agrandissant, compte tenu de la non-indexation.

Le troisième membre du trio, Charles, n'a pas leur chance. Il a travaillé fort dans le secteur privé toute sa vie et son régime ne lui garantit pas une rente à vie. En effet, dans son cas, ce sont les cotisations versées chaque année qui étaient fixées d'avance, et non les prestations à la retraite.

En tenant compte de sa durée de vie, Charles touchera 29 400$ par année de son régime, presque moitié moins que son ami d'Hydro-Québec, bien qu'ils aient fait le même salaire. Même en ajoutant les 12 200$ de la Régie des rentes du Québec (RRQ), les nombreux voyages, pour lui, oubliez ça.

Les noms des trois amis et leurs relations sont fictifs, mais pas les scénarios. Ces cas types ont été minutieusement calculés par Manon Beaulieu, vice-présidente principale de la firme Avalon Actuaires, à partir des renseignements fournis à La Presse par Hydro-Québec et aux conditions offertes par les régimes médians au Canada.

Les écarts sont tout aussi grands pour les retraités qui gagnent 60 000$ par année. Et ils deviennent énormes lorsqu'ils sont comparés aux 47% de travailleurs qui n'ont aucune forme d'épargne collective pour leurs vieux jours.

Bien sûr, il est probablement plus difficile d'entrer chez Hydro qu'ailleurs dans le secteur privé. Normalement, seuls les plus méritants sont probablement choisis et ils obtiennent des conditions en or.

Tout de même, le régime d'Hydro a aujourd'hui un déficit de solvabilité de 4,6 milliards de dollars, ce qui oblige l'entreprise à verser 394 millions par année pour l'éponger. C'est autant d'argent qui n'est pas versé au gouvernement du Québec et dépensé dans la santé, les routes et autres besoins. Quand on parle d'un effort de tous pour combattre le déficit au Québec, Hydro et son régime en or n'en font clairement pas partie.

Des conditions des années 60

Les conditions avantageuses du régime d'Hydro datent du milieu des années 60, à une époque où la situation financière était bien différente. Ainsi, les employés d'Hydro ont droit à une rente annuelle de retraite qui équivaut à 2,25% du salaire annuel moyen de leurs cinq meilleures années de service, multiplié par le nombre d'années de service.

En comparaison, ce taux descend entre 1,3 et 2,0% pour les régimes à prestations déterminées médians au Canada, comme celui de Bénédicte. Pour un régime à cotisations déterminées comme celui de Charles, la rente dépend des rendements en Bourse obtenus par le régime.

Au moment de sa retraite d'Hydro, André n'aura contribué qu'à 33% de son régime, comparativement à 65% pour Bénédicte et à 50% pour Charles.

Ce n'est pas tout. Les employés d'Hydro peuvent prendre leur retraite avant 65 ans pratiquement sans pénalité. Jusqu'au 1er janvier prochain, le régime prévoit même une rente de raccordement.

Ainsi, la firme Avalon calcule qu'un employé qui prendrait sa retraite à 58 ans, avec 28 ans de service et 60 000$ de salaire, toucherait une rente annuelle de 41 800$. Pour un salaire de 90 000$, la rente grimpe à 59 900$. Dans un cas comme dans l'autre, c'est quatre fois plus que l'employé qui a un régime à cotisations déterminées, comme Charles.

Heureusement, les conditions du régime d'Hydro semblent vouloir s'adapter. Ainsi, les cotisations versées par les employés équivalaient maintenant à 7,5% de leur salaire, en hausse constante depuis quelques années (1% en 2004).

Il reste qu'un employé de 30 ans qui entre chez Hydro cette année obtiendra encore une rente annuelle à 65 ans qui sera entre 39 et 53% plus généreuse que celle des autres régimes au Canada... grâce aux contribuables québécois.