L'entrepreneur électricien Carl Corbeil trouve qu'il y a beaucoup de «gratteux de papier» dans l'industrie de la construction. Et il n'a pas tort. Pour chaque heure travaillée, les ouvriers et les entrepreneurs se voient prélever une quantité ahurissante de frais de toutes sortes, en plus des impôts.

On commence? Dans le secteur résidentiel lourd, un électricien est payé 34,75$ de l'heure, selon le taux horaire des conventions collectives. À cela, l'entrepreneur doit ajouter les frais et inspections de la RBQ, le prélèvement de la CCQ, les cotisations et frais de licence de la CMEQ, sans oublier les cotisations de l'AECQ. Il doit aussi payer pour la RRQ, le RQAP, l'AE, le FSS et la CSST 1.

Bien sûr, il doit budgéter des frais pour le fonds de formation, le fonds d'indemnisation, les vacances et les avantages sociaux. Bref, il doit ajouter presque 20$ au salaire horaire de 34,75$ de son électricien, pour un total de 54$. L'entrepreneur, maître électricien, doit bien sûr prévoir des fonds pour son camion, son outillage et ses frais généraux, ce qui augmente le taux horaire par électricien à 81,56$.

Autrement dit, 25% des frais de l'entrepreneur n'ont rien à voir avec le travail de son ouvrier à proprement parler. C'est sans compter qu'il doit ensuite payer des impôts... à moins qu'il ne décide d'opter pour le travail au noir.

«J'ai une petite compagnie et je dois consacrer une somme énorme de temps et d'argent pour satisfaire tous ces organismes. Tout cela pour presque le même revenu qu'un salarié. C'est anormal! Ça fait bien du monde qui ne plantent aucun clou et qui vivent aux dépens des ouvriers», dit Carl Corbeil.

La ministre du Travail, Agnès Maltais, rencontre aujourd'hui l'Alliance syndicale et la partie patronale pour dénouer l'impasse dans l'industrie. Pas sûr que ces tonnes de frais feront l'objet de discussions.

Les offres salariales et le pouvoir d'achat

Parlant d'impasse et de négociation, une question quiz: de combien les salaires des travailleurs de la construction doivent-ils augmenter cette année pour qu'ils ne perdent pas de pouvoir d'achat? 2,5%? 3%? Pas du tout.

L'indice des prix à la consommation de Statistique Canada, qui mesure l'inflation, augmentera de 1,3% cette année. Ce chiffre est tiré d'un sondage réalisé par la firme Consensus Forecast auprès des 14 prévisionnistes les plus fiables au Canada.

Ces économistes travaillent pour le Mouvement Desjardins, la Banque Nationale, la Banque Royale, le Conference Board, la Banque de Montréal, etc. Aucune prévision au Canada n'est plus fiable concernant l'inflation.

Autrement dit, les travailleurs de la construction ne peuvent pas s'attendre à voir leurs salaires augmenter beaucoup dans les négociations actuelles. Cette inflation de 1,3% est plus élevée que l'offre patronale, de 1%, mais beaucoup moindre que la demande syndicale, de 3%.

Les offres et demandes salariales s'étendent sur quatre ans. Les patrons proposent 1%, 1,6%, 2% et 2%, pour une moyenne annuelle de 1,7%. De leur côté, les syndicats veulent 3%, 3%, 3% et 3,7%, pour une moyenne annuelle de 3,2%.

Les négociateurs finiront par trouver un terrain d'entente entre ces deux chiffres, mais lequel? Selon les 14 économistes, les prix à la consommation augmenteront de 1,3%, 1,9%, 2% et 2% au cours des quatre prochaines années, pour une moyenne annuelle de 1,8%. Les hausses annuelles de salaire des travailleurs ne devraient donc guère dépasser 2% par année, en moyenne, ce qui serait supérieur à l'inflation.

Les travailleurs de l'industrie seraient mieux traités que leurs collègues de la CCQ. L'an dernier, les employés de la CCQ ont en effet obtenu des hausses salariales sur cinq ans qui comportent un plancher et un plafond, en fonction de la croissance économique. En moyenne, ces hausses à la CCQ sont au minimum de 1,1% par année et au maximum de 2% par année. L'ensemble du secteur public québécois avait obtenu des hausses salariales semblables il y a trois ans.

Rappelons que les gouvernements paient environ 70% des travaux effectués dans le secteur industriel-commercial-institutionnel (ICI), le principal secteur de la construction.

1. Il s'agit de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), de la Commission de la construction du Québec (CCQ), de la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ), de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ), de la Régie des rentes du Québec (RRQ), du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP), de l'assurance-emploi (AE), du Fonds des services de santé (FSS) et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).