«Les patrons exagèrent, monsieur. Mon mari est grutier et, souvent, il n'y a pas de toilettes sur le chantier. Dans sa demi-heure de dîner, il doit donc descendre de sa grue et chercher des toilettes dans le secteur, imaginez!»

La dame se présente au téléphone comme une simple citoyenne. Son appel suit la parution de ma chronique sur le conflit de travail dans l'industrie de la construction, jeudi matin. Elle me parle des conditions de travail très exigeantes de l'industrie.

Les syndicats ne déclenchent certainement pas la grève pour une question de toilettes. Mais hier, leur porte-parole, Yves Ouellet, parlait du manque de respect envers les travailleurs. Parmi les offres patronales, il y a notamment cette demande pour que certains chantiers débutent à 5h30 le matin, qui passe mal.

Pas de doute, il y a de la méfiance en toile de fond de ce conflit. Selon la dame, les patrons veulent faire payer aux travailleurs les «avantages» que leur a fait perdre la commission Charbonneau.

Les patrons ne sont cependant pas les seuls à inspirer de la méfiance. Le principal négociateur de l'Alliance syndicale, Donald Fortin, a dû céder sa place à Yves Ouellet, de la FTQ-Construction, mercredi dernier.

Officiellement, Fortin a pris congé à la demande de son médecin pour soigner une maladie grave. L'homme est toutefois au centre d'une enquête du Journal de Montréal selon laquelle il se serait fait construire un petit château à Blainville en bénéficiant gratuitement de main-d'oeuvre et de matériaux. L'enquête parle également de liasse d'argent comptant.

Avec tout ce qu'on entend à la commission Charbonneau, difficile de ne pas constater que l'industrie est malade. Les patrons et les syndicats sont visés, mais les travailleurs ont aussi leur part de responsabilité: ils sont trop nombreux à arrondir leurs fins de mois «en dessous de la table».

Ce travail au noir leur permet d'avoir une meilleure paye et d'en donner moins au gouvernement. Or, le gouvernement et les municipalités sont parmi les plus importants donneurs d'ouvrage au Québec. Bref, ce sont les contribuables qui paient.

En moyenne, le salaire des travailleurs atteint 46 000$ dans le secteur institutionnel et commercial et 64 500$ dans le secteur industriel. Il est très difficile d'avoir des chiffres pour le secteur résidentiel tant le travail au noir est présent. Et en plus, certains obtiennent de l'assurance-emploi. Vous appelez cela du respect?

Les belles années de l'industrie a permis aux travailleurs réguliers d'obtenir entre 3 et 5% de hausses de salaire par année, deux fois l'inflation. Ces belles années sont toutefois derrière nous. La conjoncture est beaucoup plus difficile aujourd'hui.

Les syndicats trouvent inadmissible le fait que les hausses salariales proposées par les patrons ne suivent pas l'inflation. Les offres patronales sur quatre ans sont de 1% - 1,6% - 2% - 2%. La position de négociation de l'alliance syndicale est de 3% - 3% - 3% - 3,7%.

De leur côté, les patrons trouvent anormal le fait de devoir payer les employés à taux double le samedi pour reprendre le travail perdu des jours de pluie. Ils veulent payer à taux simple. Les patrons voudraient aussi que les conventions collectives soient moins contraignantes concernant l'embauche d'employés locaux.

Une grève paralysera les chantiers dans une période cruciale de l'année et nuira à tous, les travailleurs, les patrons, les gouvernements et les familles. L'Alliance syndicale et les patrons disent de bonne foi vouloir régler, mais il faudra mettre de l'eau dans son vin. Pour le plus grand respect de tous.