Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, est-il en train de nous préparer de belles surprises budgétaires avant les prochaines élections en obtenant des déficits nettement moindres que ceux annoncés?

C'est ce qu'on peut se demander à la lecture de la plus récente revue financière du ministère des Finances, publiée le 31 mai. Comme chaque mois, le document fait le point sur l'état des revenus et dépenses mensuelles du gouvernement, en plus d'en brosser un tableau depuis le début de l'année financière.

La revue de la fin de mai est d'autant plus intéressante qu'elle présente un cumul de l'année complète (d'avril à mars), ce qui nous donne une bonne idée du déficit réel pour l'exercice terminé le 31 mars dernier. Les chiffres officiels de l'exercice seront publiés à l'automne.

Le 31 mai, donc, la revue estime que le déficit budgétaire de l'année 2012-2013 s'est élevé à 18,3 milliards. La somme paraît élevée, mais il faut savoir qu'au moment de sa présentation budgétaire, le 21 mars dernier, Jim Flaherty prévoyait que le déficit annuel 2012-2013 serait plutôt de 25,9 milliards. En somme, le déficit est de 7,6 milliards de moins que celui annoncé par Jim Flaherty il y a 3 mois!

Depuis quatre ans, il s'agit du plus important écart entre le budget de mars et la revue financière de mai. L'an dernier, les chiffres du déficit prévu en mars, du déficit estimé en mai et du déficit officiel en octobre étaient sensiblement les mêmes (voir tableau). En termes relatifs, l'écart favorable de cette année est de près de 42%, contre des écarts variant de 6 à 18% au cours des 3 années précédentes.

Pour les habitués des finances publiques, cette différence n'est pas sans rappeler les prévisions trop conservatrices de l'ex-ministre libéral des Finances, Paul Martin. De 1992 à 2002, Paul Martin a constamment surévalué les déficits ou sous-évalué les surplus, parfois de beaucoup.

Au début, les observateurs jugeaient cette approche adéquate, la prudence étant une vertu en comptabilité. Mais au fil du temps, la méthode de l'ex-ministre libéral a fait l'objet de vives critiques, certains jugeant qu'il camouflait la situation financière réelle du gouvernement fédéral, avec ses effets néfastes sur la démocratie.

Dans le cas de Jim Flaherty, un déficit moindre serait une très bonne nouvelle. Le ministre fait des pieds et des mains pour ramener le déficit à zéro avec des coupes sévères et des décisions impopulaires (coupes à l'assurance-emploi, aux fonds de travailleurs, à Radio-Canada, etc.). Il espère atteindre l'équilibre budgétaire en 2015-2016, après deux autres années encore déficitaires (18,7 milliards en 2013-2014 et 6,6 milliards en 2014-2015).

Des bémols

Avant de trop se réjouir, toutefois, l'économiste Benoit Durocher, du Mouvement Desjardins, fait certaines mises en garde. D'abord, les documents du ministère des Finances comptent une bonne partie d'«opérations non budgétaires».

Il s'agit d'opérations financières qui, normalement, ne s'inscrivent pas au budget, comme les investissements en immobilisation, les variations aux régimes de retraite et les comptes à payer et à recevoir. Cependant, il est possible que des ajustements de fin d'exercice ramènent certains montants non budgétaires dans le budget, comme c'est le cas des comptes à payer et à recevoir.

Dans la revue financière de mai 2013, les opérations non budgétaires ont totalisé 11,1 milliards, comparativement à 8,4 milliards l'année dernière et 9,7 milliards l'année précédente. En somme, l'importance plus grande des opérations non budgétaires explique peut-être l'écart particulier entre le déficit non officiel enregistré en mai et celui prévu trois mois plus tôt.

Il reste qu'il s'agit d'une différence importante, plus grande qu'au cours des années précédentes, convient Benoit Durocher. «Pourtant, il n'y a pas de nouvelles économiques très positives qui nous permettent de croire à une belle surprise. Les coupes du gouvernement Harper sont peut-être plus efficaces que prévu. C'est ce qu'on verra à l'automne, à la lecture des chiffres officiels», a dit M. Durocher.

Rappelons que durant les années 90, Paul Martin avait éliminé le déficit après 5 ans d'austérité et de compressions dans les transferts aux provinces. Le premier surplus est apparu au cours de l'exercice 1997-1998, à 2,96 milliards. Dix autres surplus budgétaires ont suivi, avant le déficit de 5,8 milliards de 2008-2009, en pleine crise financière.

En fin de journée, le ministère des Finances nous a indiqué que les résultats définitifs d'octobre prochain tiendront compte de certains ajustements, comme c'est toujours le cas. Cette année, les ajustements comprennent une dépense associée à la réévaluation de la responsabilité d'Énergie atomique du Canada en matière de gestion des déchets nucléaires ainsi que d'autres ajustements, y compris les impôts courus, les pertes sur créance associées aux impôts à recevoir et les résultats financiers définitifs des sociétés d'État.