Subventionner les courses de Formule 1 semble être rentable pour les contribuables. Malheureusement, on ne peut en être certain, parce que le gouvernement du Québec garde secrète son étude sur les retombées économiques pour des raisons floues.

Ce jeu de cache-cache est déplorable, d'autant plus que les promoteurs de Formule 1 exigent plus de subventions, encore une fois. Qu'est-ce qui empêche le ministre des Finances, Nicolas Marceau, de nous donner l'heure juste?

La question mérite d'être débattue puisque les études de retombées économiques, comme celle du gouvernement, sont utilisées par la plupart des grands événements pour justifier une injection de fonds publics. Il est alors question de l'activité économique ainsi engendrée, des milliers d'emplois créés, des recettes fiscales, etc. Et en général, les conclusions convergent: les contribuables en ont plus que pour leur argent.

Le problème, avec ce genre d'étude, c'est que peu importe le projet, une injection de fonds publics engendre nécessairement des retombées et crée nécessairement des emplois. Pour juger de la pertinence d'une subvention, il faut donc bien analyser la question.

D'abord, il faut se demander si le projet engendre davantage de retombées que si l'argent était investi ailleurs. Par exemple, est-il préférable d'accorder un congé de taxes à un nouveau club de hockey professionnel ou au Grand Prix? Doit-on privilégier le Festival de jazz?

Ne devrait-on pas plutôt subventionner les emplois d'ingénieurs d'une entreprise de recherche et développement, comme le gouvernement l'a fait cette semaine avec Ericsson?

Plusieurs économistes seraient portés à dire: aucune de ces réponses, sous le motif que les subventions aux entreprises privées ne seraient jamais souhaitables. Si un projet ne peut être financé par ceux qui en profitent (les partisans de hockey, les audiophiles, les promoteurs, les artistes, etc.), pourquoi l'ensemble des contribuables devraient-ils payer? Certes, la question plus large de soutien à la culture peut être soulevée, mais l'argument a ses limites avec le hockey et les courses de voitures.

Certains jugent que les millions de dollars de fonds publics seraient plus rentables s'ils étaient investis dans la lutte contre le décrochage scolaire, dans la petite enfance, dans des projets visant à améliorer l'efficacité des services de santé, etc. Les mesures à long terme sont toutefois plus difficiles à mesurer.

À tout événement, toute nouvelle injection de fonds publics est d'autant plus délicate, au Québec, que notre gouvernement est très endetté et que les intérêts pour payer la dette augmentent rapidement. Est-il préférable de subventionner encore davantage de projets et d'augmenter notre dette au risque de devoir faire des compressions dans les services publics?

Bref, les questions sont multiples, les enjeux sont importants, et les réponses ne sont pas toujours simples. D'où l'importance de bien analyser avant d'aller de l'avant.

Cela dit, il est possible qu'un événement ait des retombées nettes positives sur une économie et qu'une certaine subvention soit justifiée. À ce sujet, les économistes s'entendent pour dire qu'un événement procure des retombées nettes positives lorsqu'il attire des dépenses venant de l'extérieur.

Ainsi, un événement qui attire des touristes qui ne seraient pas venus autrement peut justifier une certaine subvention. Ces touristes louent des chambres d'hôtel, mangent au resto, sortent dans les bars et font rouler l'économie locale.

À l'inverse, un événement qui fait dépenser surtout des résidants ne devrait pas être subventionné, puisque ces résidants consacrent des fonds à l'activité subventionnée qu'ils pourraient dépenser ailleurs de toute façon, avec des retombées similaires.

Qu'en est-il du Grand Prix? Pour appuyer l'événement, Montréal, Québec et Ottawa injectent essentiellement 11 millions de dollars par année. Bon an mal an, le Grand Prix attirerait 300 000 spectateurs, dont 40% viendraient de l'extérieur, notamment des États-Unis. Sur la base de calculs secrets réalisés en 2009, le ministère des Finances du Québec estime que les retombées économiques se chiffreraient à 89,3 millions. En plus des retombées locales, le Grand Prix donne une visibilité à Montréal à l'international, notamment à la télévision, qu'il faudrait compenser par des dépenses de publicité substantielles.

À première vue, la subvention apparaît donc bien avisée. Mais peut-on se fier aux chiffres? La collecte de données est-elle fiable? Les calculs sont-ils complets? En Australie, une étude d'impact du Grand Prix de Melbourne, de taille semblable à Montréal, arrive à des retombées de 32,6 millions, a révélé mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot. C'est trois fois moins.

L'étude australienne a été réalisée par une firme indépendante, elle est publique et la méthodologie fait 10 pages. Au Québec, la méthodologie tient sur une demi-page, et seules les grandes conclusions sont connues. Bref, le Grand Prix de Montréal semble rentable, mais on aimerait en être convaincu. Qu'attend le ministre Nicolas Marceau pour commander une nouvelle étude indépendante et la rendre publique avant de dépenser notre argent?