Vous pensez que le Québec vit une situation budgétaire difficile? Que les coupes font mal? Consolez-vous, ce n'est rien à côté de l'Ontario.

Jeudi, le budget annuel de cette province donnait une bonne idée des sacrifices que devront faire nos voisins pour retrouver le déficit zéro. À première vue, le budget recelait quelques bonnes nouvelles, mais à y regarder de plus près, la situation est horrible.

Pour l'année terminée le 31 mars 2013, le déficit ontarien a atteint 9,8 milliards de dollars, comparativement à 1,5 milliard au Québec. En termes relatifs, le déficit ontarien équivaut à 1,5% du produit intérieur brut (PIB), comparativement à 0,4% au Québec. Bref, l'Ontario a un déficit trois fois plus important que le Québec, toutes proportions gardées.

Certes, le déficit ontarien a reculé d'environ 5 milliards pour l'année en cours (on prévoyait presque 15 milliards au lieu de 9,8 milliards). Toutefois, l'essentiel de cette baisse vient d'éléments non récurrents, par exemple l'élimination de la banque de congés de six jours des enseignants.

Pour l'année en cours (2013-2014), le déficit devrait donc augmenter de nouveau. Le ministre des Finances, Charles Sousa, prévoit qu'il passera à 11,7 milliards (1,6% du PIB). Pendant ce temps, au Québec, ce serait déficit zéro.

Le retour à l'équilibre budgétaire n'est pas pour demain en Ontario. Queen's Park espère l'atteindre dans cinq ans (2017-2018). Pour y parvenir, toutefois, les solutions sont à ce point musclées qu'elles apparaissent peu crédibles. «Le Québec a un plan crédible. En Ontario, la situation est extrêmement exigeante», explique l'économiste en chef du Conference Board du Canada, Glen Hodgson.

Le climat est tendu. Par exemple, les enseignants ontariens multiplient les moyens de pression depuis quelques mois pour protester contre l'austérité gouvernementale. Or, tout indique que les compressions ne font que commencer.

D'ici cinq ans, en effet, le gouvernement prévoit passer les dépenses dans le tordeur, si l'on se fie aux objectifs budgétaires. La croissance des dépenses de programmes (santé, éducation, justice, etc.) doit être plafonnée à 0,2% par année, en moyenne, au cours des quatre années précédant l'atteinte du déficit zéro. En comparaison, la progression avait été de 6,1% par année, de 2000 à 2008. Il s'agit donc d'une plonge vertigineuse.

Le Québec a eu toutes les misères du monde à contenir ses hausses de dépenses à 2,2% cette année (l'objectif était de 1,9%), alors imaginez ce qu'il en sera en Ontario à 0,2%. Des réductions de personnel et des coupes de salaires sont en vue.

L'Ontario, faut-il savoir, a été très durement touché par la crise financière. Non seulement la province abrite le centre financier canadien, à Toronto, mais elle est aussi le principal constructeur automobile au Canada, un secteur durement éprouvé par l'écroulement des trois grandes sociétés américaines de l'auto en 2009.

Ces dernières années, la croissance économique ontarienne a été anémique. En 2012, par exemple, le PIB réel ontarien a affiché un gain de 1,6%, comparativement à 1,8% pour l'ensemble du Canada (1,0% au Québec).

Citant le rapport Drummond sur les finances publiques ontariennes, Glen Hodgson croit que le gel des salaires à long terme n'est pas viable. Il faut réformer l'offre de services publics et éliminer carrément les programmes non essentiels.

En février 2012, le rapport de l'économiste Don Drummond proposait notamment de mettre la hache dans le nouveau programme de maternelle à temps plein, de repousser l'âge de la retraite des enseignants (59 ans en moyenne actuellement) et de fusionner des hôpitaux. Il était également question de déplacer les soins de santé vers le domicile pour les personnes âgées.

Il est toutefois peu probable que ces décisions difficiles soient mises en application prochainement, compte tenu de la situation politique. L'Ontario est dirigé par un gouvernement libéral minoritaire. Les conservateurs ont annoncé qu'ils n'appuieraient pas le budget, et les libéraux ont donc adopté des mesures susceptibles de plaire aux néo-démocrates.

Quoi qu'il en soit, l'économiste Carlos Leitao, de la Banque Laurentienne, croit qu'il faut relativiser. «La situation ne s'apparente pas à celle de l'Europe [déficit deux fois plus élevé, à près de 3% du PIB]. Et l'Ontario ou le Québec ne sont pas du tout la prochaine Grèce», dit-il.

Il juge donc que l'approche ontarienne de réduction progressive du déficit est la bonne, d'autant plus que l'Ontario n'a pas une dette aussi lourde que le Québec. Tout de même, des réformes majeures sont en vue en Ontario. Attachez vos tuques!