Avec sa réputation mise à mal, voici le genre de lettre d'excuses que devrait écrire le PDG de SNC-Lavalin, Robert G. Card.

Chers citoyens,

SNC-Lavalin est une multinationale qui a longtemps fait la fierté de ses employés et suscité l'admiration des Montréalais, des Québécois et des Canadiens. Ces derniers mois, l'organisation a toutefois fait l'objet d'allégations concernant ses pratiques d'affaires. Aujourd'hui, j'aimerais vous faire part, en toute franchise, de certaines décisions que nous avons prises pour ramener l'éthique et la fierté au coeur de notre organisation.

D'abord, nous avons pris acte du témoignage à la commission Charbonneau de l'un de nos vice-présidents, Yves Cadotte, au sujet du système de collusion de Montréal et du financement illégal de partis politiques. Ce système, inadmissible, aurait fait gonfler les coûts des travaux de 20% et privé les Montréalais de 350 millions de dollars sur cinq ans, selon certaines estimations.

SNC-Lavalin annonce aujourd'hui qu'elle remboursera aux Montréalais sa part des sommes perdues par la Ville de Montréal et les municipalités. Durant la période de cinq ans couverte par la Commission, SNC-Lavalin a obtenu 42 millions de contrats avec la Ville de Montréal. Nous ferons donc parvenir à la Ville de Montréal un chèque de 8,4 millions de dollars pour couvrir les indemnités, soit 20% des 42 millions.

Le dossier du Centre de santé de l'Université McGill (CUSM) est un peu différent. D'anciens dirigeants de notre entreprise, dont l'ex-PDG Pierre Duhaime et l'ex-VP Riadh Ben Aïssa, sont accusés d'avoir versé 22,5 millions en pots-de-vin à Arthur Porter et à deux de ses associés pour mettre la main sur le contrat. SNC-Lavalin annonce qu'elle entreprendra des démarches à même ses frais pour récupérer cet argent, qu'elle versera ensuite aux autorités.

D'autres allégations, également non prouvées, concernent nos relations d'affaires à l'international. Entre autres, la GRC soupçonne que nous ayons versé, sur plusieurs années, 160 millions de dollars de pots-de-vin au régime de Kadhafi, en Libye.

À cet égard, SNC-Lavalin a décidé de jouer franc jeu à l'avenir. Ainsi, en mars, nous avons nommé un chef de la conformité en la personne d'Andreas Pohlman. M. Pohlman a une grande expérience en la matière. Entre 2007 et 2010, il a instauré un système de gouvernance de classe mondiale chez Siemens. Cette multinationale allemande avait été mêlée à un énorme scandale de pots-de-vin entre 2001 et 2007, et M. Pohlman a remis l'organisation sur les rails de la probité.

Dans certains pays en développement, les commissions particulières sont monnaie courante. SNC-Lavalin a décidé de suivre des normes strictes d'intégrité, même si elle risque de perdre certains contrats dans ces pays et même si elle voit stagner son chiffre d'affaires, actuellement de 8,1 milliards.

La confiance de nos clients, de nos fournisseurs et de nos partenaires gouvernementaux est un actif d'une valeur inestimable. À long terme, nous constatons qu'une feuille de route sans reproches est de loin préférable pour les actionnaires et les autres parties prenantes à une hausse à court terme du chiffre d'affaires et des profits.

SNC-Lavalin veut ainsi agir en leader au Canada et à l'international en matière d'éthique. L'entreprise est cependant préoccupée par la récente Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics du gouvernement du Québec. Désormais, toutes les entreprises doivent obtenir un «certificat de bonne conduite» pour mettre la main sur des contrats publics de plus de 40 millions.

Le certificat est émis par l'Autorité des marchés financiers (AMF) après une enquête de l'UPAC. Avant de donner son aval, l'UPAC fouille les antécédents criminels et fiscaux de l'entreprise et de ses principaux dirigeants, mais s'assure aussi que la firme mérite la «confiance du public».

À ce jour, il appert que la presque totalité des grandes firmes de génie ont été impliquée dans la collusion à Montréal, selon la commission Charbonneau. Elles risquent donc toutes de ne plus mériter la «confiance du public» et, conséquemment, de ne plus avoir de contrats publics. Le constat est le même pour les entreprises de construction.

Dans ce cas, comment le gouvernement réussira-t-il à faire construire ses routes, ses ponts et ses échangeurs? Devra-t-il s'en remettre à de petites firmes sans expérience, avec les risques que comporte ce choix pour la qualité et la sécurité des installations? Fera-t-il appel à des firmes étrangères, dont la probité est plus difficile à évaluer?

Le cas échéant, les firmes du Québec ne risquent-elles pas de perdre des plumes, voire de disparaître, laissant en plan des dizaines d'années d'expérience et des milliers d'employés?

SNC-Lavalin invite les autorités à réfléchir à cette problématique, très sérieuse et incontournable. Pour sortir de cette impasse, notre organisation propose que le gouvernement accorde une forme d'amnistie aux entreprises en échange d'une démarche sérieuse d'intégrité. Ce pardon conditionnel permettrait au Québec et au Canada de demeurer à l'avant-plan mondial dans le domaine du génie-conseil.

Quoi qu'il en soit, SNC-Lavalin a décidé de prendre les devants et d'instaurer au sein de toutes nos divisions une démarche éthique rigoureuse. Nous invitons les autres firmes à faire de même. En terminant, j'aimerais présenter des excuses officielles de SNC-Lavalin pour ses écarts de conduite et je prie les employés, les actionnaires, les fournisseurs et nos partenaires gouvernementaux à tourner la page et à aller de l'avant.

Robert G. Card,

président et chef de la direction, SNC-Lavalin

(tel que suggéré par Francis Vailles)

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PRÉCISIONS

Mardi, le chroniqueur Francis Vailles simulait une lettre d'excuses qu'aurait pu écrire le PDG de SNC-Lavalin, Robert G. Card. Certains lecteurs ont cru qu'il s'agissait d'une vraie lettre de l'entreprise, mais ce n'est pas le cas. Nos excuses pour la confusion.