La banlieue est remplie de voisins qui, durant les belles journées d'été, s'amusent à arroser leur asphalte pour le rendre propre, utilisant leur tuyau d'eau pour repousser les petits cailloux.

Je n'ai rien contre les voisins ou les tuyaux, comprenez-moi bien. S'ils veulent faire briller leur asphalte, c'est leur droit. Sauf que pendant que la poussière s'écoule vers la rue, l'eau potable chèrement filtrée est gaspillée. Et c'est bibi qui paye.

La raison de ce comportement est bien simple: dans la plupart des municipalités, l'eau est gratuite, du moins en apparence. En fait, les citoyens paient l'eau dans leur facture d'impôts fonciers, mais comme il n'y a généralement pas de tarifications en fonction du volume consommé, les citoyens peuvent la gaspiller sans conséquence.

C'est un peu ce qui se passerait avec un système gratuit à l'université, comme le propose l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ). L'idée est appuyée par Québec solidaire et la CSN.

Comme l'eau du tuyau, cette gratuité aurait nécessairement des conséquences: les étudiants pourraient étirer leurs études, changer de programmes ou abandonner, le tout sans impact financier.

Bien sûr, un étudiant a droit à l'erreur. Cette indécision finit toutefois par coûter cher lorsqu'elle est répétée des milliers de fois. Et au bout du compte, ce sont les contribuables qui paient.

Des droits de scolarité substantiels permettent de minimiser ce gaspillage. Et chaque dollar récupéré peut servir à désengorger les urgences dans les hôpitaux ou aider les familles pauvres, par exemple, un souhait cher à Québec solidaire.

Au cégep, le système est pratiquement gratuit. Et devinez quoi: seulement 44% réussissent leur formation générale dans les deux années prescrites. Il faut cinq ans pour que le taux d'obtention du diplôme atteigne son sommet, à 73%.

Rendre un bien gratuit incite à le surconsommer. Au contraire, avec des droits de scolarité d'un certain niveau, on envoie le signal aux étudiants et à leurs parents que l'éducation a une valeur et que gaspiller coûte cher.

Évidemment, des droits trop élevés peuvent freiner l'accès. Le système de prêts et bourses doit remédier à ce genre de problème et faire en sorte qu'un fils d'ouvrier avec une cote R de 32 ne soit pas freiné par l'argent.

En somme, des droits de scolarité judicieux ne servent pas seulement à récolter des fonds, mais aussi à inciter les utilisateurs à consommer judicieusement.

D'autres pays sont souvent cités en exemple par les partisans de l'ASSÉ pour leur système gratuit. Mais ces systèmes ont des effets pervers, note le professeur d'économie Robert Gagné, de HEC Montréal.

En France, il y a, d'une part, les universités gratuites et, d'autre part, les grandes écoles. Toutefois, rappelle M. Gagné, les universités gratuites souffrent de problèmes de qualité. «Elles tombent en ruines», dit-il.

Certaines se distinguent, comme l'École polytechnique de Paris, mais les tests d'admission sont très sélectifs et les étudiants doivent aimer l'armée, puisqu'ils sont sous statut militaire pendant leur scolarité.

Quant aux grandes écoles, comme HEC Paris, les droits s'élèvent à l'équivalent de 16 000$ par année.

En Finlande, l'accès est aussi totalement gratuit, mais n'entre pas qui veut, fait remarquer Robert Gagné. En psychologie, seulement 6% des candidats sont admis au terme des examens. Les taux d'admission sont aussi faibles en histoire de l'art (8%), en communication (8%), en sciences politiques (12%) et en médecine (13%).

Certes, le système est gratuit, mais il faut exceller pour y entrer et les chanceux y pensent à deux fois avant d'abandonner.

Pour l'école secondaire, la situation est différente. Au Québec comme ailleurs, l'État considère qu'il s'agit de la formation minimale pour bien fonctionner en société, d'où la gratuité et la fréquentation obligatoire jusqu'à 16 ans au Québec.

Bref, je n'ai rien contre les voisins ou l'ASSÉ, mais leur gratuité est une fausse bonne idée.