Vous connaissez tous l'histoire de l'hirondelle et du printemps. Mais oui, cette hirondelle écervelée qui revint du Sud plus tôt que les autres, ce qui incita certains à croire à tort que le printemps était arrivé.

Le philosophe Aristote fut le premier à emprunter l'image de l'hirondelle pour en faire un proverbe, il y a plus de 2300 ans. Le jeune personnage d'Aristote, en apercevant l'hirondelle, vendit ses vêtements chauds et flauba tout son argent. Or, le froid réapparut et il fut si rude que le prodigue mal vêtu en mourut.

Si je cite Aristote, ce n'est pas pour parler de météo, mais pour faire un parallèle avec un sujet plus terre-à-terre: le déficit du Québec. Quand le Parti québécois (PQ) a pris le pouvoir, au début de septembre, il a rapidement dénoncé un trou de plusieurs centaines de millions de dollars découvert dans les documents financiers.

Ce fossé s'est confirmé au début de novembre, avec la publication officielle des opérations financières du gouvernement pour la période se terminant le 31 juillet (les chiffres officiels sont toujours publiés avec quelques mois de retard). Selon le rapport de novembre, le gouvernement avait accumulé un déficit de 1,7 milliard de dollars pour les quatre premiers mois de l'exercice financier (avril à juillet).

Le chiffre a fait peur, puisque le gouvernement libéral avait prévu un déficit de 1,5 milliard pour l'ensemble des 12 mois de l'année budgétaire se terminant le 31 mars 2013. Autrement dit, le gouvernement avait accumulé un déficit plus élevé en quatre mois d'exercice que ce qu'il prévoyait pour l'année au complet. Ouch!

Or voilà, les observateurs ont peut-être tiré des conclusions trop rapides, aveuglés par la même hirondelle que la fable d'Aristote. Le plus récent rapport des opérations financières, qui brosse le portrait des revenus et des dépenses du gouvernement pour les six premiers mois de l'année, donne un portrait très différent.

Ainsi, les chiffres de la fin de l'été ont été si bons que le déficit du gouvernement a fondu. Après six mois, soit entre avril et septembre, le déficit atteignait à peine 900 millions, loin du déficit de 1,7 milliard accumulé après quatre mois. Autrement dit, les mois d'août et de septembre ont permis au gouvernement d'engranger des surplus de plus de 800 millions.

Qu'est-ce qui explique cet écart? Essentiellement, l'économie a fait un peu mieux à la fin de l'été 2012 qu'au cours des mois précédents, ce qui a permis au gouvernement d'encaisser plus de revenus provenant des taxes et des impôts.

Ainsi, l'ensemble des revenus autonomes du gouvernement (excluant les transferts fédéraux) a grimpé de 6,8% en août et de 2,3% en septembre, comparativement à une baisse de près de 1% pour les quatre mois précédents. Tout indique, de plus, que l'arrivée du PQ en septembre a eu pour effet de geler certaines dépenses.

En somme, le déficit du gouvernement du Québec après la moitié de l'année financière a été de 900 millions, ce qui est légèrement plus élevé que la cible semestrielle de 750 millions (1,5 milliard sur un an). Pas de quoi paniquer.

Cela dit, le climat économique demeure incertain. Et il appert que les crédits promis aux différents ministères et organismes pour les six derniers mois de l'exercice auraient eu pour effet, malgré tout, de faire gonfler le déficit. C'est ce qui expliquerait les interventions budgétaires récentes du gouvernement péquiste, comme le gel d'embauche décrété hier par le Conseil du Trésor.

Au cours des six premiers mois de l'exercice, les dépenses de programme du gouvernement ont été en hausse de 2,4%, soit davantage que la cible annuelle de 1,9% fixée par le ministère des Finances. Tant le ministre péquiste Nicolas Marceau que son prédécesseur libéral Raymond Bachand ont demandé de plafonner les dépenses annuelles de programme à 62,6 milliards de dollars pour l'exercice annuel en cours.

Du côté des revenus autonomes, la hausse pour les six premiers mois de l'exercice a été de 0,8%, alors que la prévision du ministère des Finances pour l'ensemble de l'année est de 5,8%. L'écart est encore très important, mais il va en s'amenuisant, indiquent les chiffres d'août et de septembre. Québec espère amasser 53,2 milliards de revenus autonomes pour l'année entière et 15,7 milliards de transferts fédéraux de toutes sortes.

À cet égard, le gouvernement péquiste bénéficiera de l'harmonisation de la TPS et de la TVQ, puisque le gouvernement fédéral a promis de verser une compensation de 733 millions au début de 2013, comme il l'a fait pour les autres provinces.

En somme, une hirondelle ne fait jamais le printemps. Il faudra se le rappeler au cours de la prochaine année budgétaire (2013-2014), où cette fois le gouvernement prévoit un difficile retour au déficit zéro.