Il est vrai que les filles réussissent beaucoup mieux que les garçons à l'école, qu'elles sont maintenant majoritaires dans presque toutes les facultés universitaires, et qu'elles ont de plus en plus de chances de décrocher les meilleurs emplois. Il est vrai que les administrations publiques ont adopté des lois pour garantir l'équité salariale entre les deux sexes, principe aujourd'hui largement reconnu et respecté. Il est vrai, enfin, que les femmes occupent un espace sans précédent sur le marché du travail.

Compte tenu de tout cela, on pourrait croire que les femmes sont en train de combler rapidement l'écart des revenus qui les sépare encore de leurs collègues masculins.

De nouvelles séries de chiffres publiées cette semaine par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) nous apprennent à ce sujet une bonne et une mauvaise nouvelle:

> Commençons par la bonne: si on place les chiffres dans une perspective historique, le revenu moyen des femmes, au Québec, augmente plus rapidement que celui des hommes. Sur une période de 10 ans, entre 1996 et 2005, le hausse en dollars courants est de 32% chez les hommes, contre 45% chez les femmes. Le rattrapage est donc bien réel. On peut mesurer l'ampleur de ce réajustement en calculant qu'en 1996, pour chaque dollar gagné par un homme, la femme empochait en moyenne 60 cents. Dix ans plus tard, le chiffre correspondant est de 66 cents.

> Si vous êtes fort en chiffres, vous avez déjà décelé la mauvaise nouvelle. Malgré le rattrapage, il existe encore un écart considérable entre les deux. Ainsi, le revenu moyen des hommes se situe à 37 321$, contre 24 727$ pour les femmes. Si le rattrapage se poursuit à ce rythme de tortue, il faudra attendre 2048 avant d'atteindre la parité des revenus. Oui, oui, vous avez bien lu: dans 40 ans!

Cette prévision n'est évidemment pas de l'ISQ. L'agence québécoise de statistique ne se risquerait pas à un tel exercice, avec raison. Pour en arriver à la date de 2048, j'ai fait une simple projection à partir des données publiées cette semaine. Rien ne nous dit que les choses vont continuer d'évoluer exactement de la même façon que pendant la période 1996-2005. N'empêche: la projection nous donne une idée du chemin à parcourir.

Il est probable, en fait, que les femmes n'aient pas à attendre aussi longtemps.

Non seulement parce que les filles sont plus nombreuses à l'université, mais surtout parce qu'elles étudient plus longtemps.

C'est au cours de l'année scolaire 1987-1988 que les filles, pour la première fois, sont devenues majoritaires sur les campus universitaires québécois. Or, à cette époque, à peine 30% d'entre elles dépassaient le niveau du baccalauréat, laissant les cycles supérieurs (et, potentiellement, les meilleurs emplois) aux garçons. Il a fallu attendre plus de 15 ans, en 2003, pour que les filles dépassent le seuil des 51% à la maîtrise. Et elles viennent juste de faire la même chose au doctorat.

Ainsi, avec chaque nouvelle cohorte de diplômées qui arrive sur le marché du travail, l'écart des revenus entre hommes et femmes se rétrécit toujours un peu plus. Et il continuera de s'amincir à mesure que les cadres, techniciens, gestionnaires, professionnels et autres hauts salariés masculins prendront leur retraite, et que les jeunes travailleuses diplômées obtiendront des promotions, et les revenus qui viennent avec.

D'autre part, les chiffres de l'ISQ incluent les revenus de toutes sortes: salaires, revenus de placement, revenus de location, prestations sociales, caisse de retraite.

Présentement, les hommes dominent les femmes dans toutes ces catégories, sauf les prestations sociales. Mais à mesure que les femmes occuperont de meilleurs emplois, elles auront également une meilleure marge de manoeuvre pour mettre de l'argent de côté (et retirer à leur tour des revenus de placement plus substantiels). Plus tard, elles auront aussi de meilleurs revenus de retraite.

Dans ces conditions, l'écart des revenus continuera inévitablement de diminuer, et possiblement à un rythme plus rapide que ans les années précédentes.

Enfin, le document de l'ISQ fait aussi ressortir, comme s'il était encore utile de le rappeler, à quel point cela vaut la peine de persévérer dans ses études. Les deux sexes confondus, le jeune qui quitte l'école avant de terminer son secondaire a un revenu moyen de 20 189$. S'il réussit à terminer son secondaire, rien de plus, ce montant grimpe à 29 208$. En décrochant un diplôme d'études collégiales, il va chercher 31 856$. Avec un diplôme universitaire, la moyenne saute à 52 682$. Ces chiffres n'ont besoin d'aucune explication.