Vous cherchez un bon livre pour les vacances ? Je vous recommande les Journaux de Lewis et Clark. Un classique.

C’est le récit — réel — de l’expédition lancée par le président Thomas Jefferson, en 1804, pour trouver un chemin entre St. Louis et l’océan Pacifique. Chaque page est une aventure. On se demande comment Meriwether Lewis et William Clark arriveront vivants sur la côte Ouest. Ils naviguent sur des rivières inconnues des Blancs. Ils affrontent la maladie. Le froid. Les ours. Ils rencontrent des peuples hostiles. Et malgré l’adversité, ils poursuivent leur périple.

Quelle époque formidable. Une ère marquée par des mystères à résoudre, et de grandes expéditions pour y répondre.

Mine de rien, le sport professionnel vit présentement une période semblable. La prolifération des statistiques avancées a créé un environnement propice à la recherche. Depuis 15 ans, toutes les équipes — tous sports confondus — cherchent LA donnée qui leur montrera le chemin des victoires.

Sauf que tous les clubs ne sont pas rendus au même endroit. Loin de là.

Pour l’illustrer, on peut faire une analogie avec le voyage de Lewis et Clark.

Il y a des organisations qui sont encore sur le quai de départ, à St. Louis. Celles avec un seul analyste, souvent un stagiaire sous-payé installé dans un placard sans fenêtre du sous-sol du stade. Je n’exagère même pas.

Des équipes sont rendues aux montagnes Rocheuses. Celles-ci ont un service structuré. Ses dirigeants tiennent compte des statistiques avancées dans leurs activités quotidiennes. Pensez aux clubs du baseball majeur.

Puis il y a le FC Barcelone. Non seulement a-t-il déjà vu l’océan, mais il a déjà commencé à établir des colonies le long des côtes.

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Le FC Barcelone n’est pas le seul club à l’avant-garde de la science sportive. L’équipe de soccer de Liverpool, les Astros de Houston et les Dodgers de Los Angeles ont acquis des expertises pointues. Mais le FC Barcelone se distingue par la portée et la variété de ses recherches.

Le Financial Times a eu droit à une visite privée du laboratoire, fondé en 2017. Le journal a recensé 16 employés à temps plein. C’est sans compter la centaine de chercheurs de l’extérieur qui participent aux études. Tout est analysé. Les statistiques avancées, bien sûr. Mais aussi la nutrition, la prévention des blessures, leur guérison, l’optimisation de la billetterie. Quelques exemples :

– le FC Barcelone participe à 40 études sur les blessures des muscles et des tendons ;

– le club étudie le profil génétique des joueurs pour prévenir les blessures ;

– les joueurs auront bientôt droit à une boisson personnalisée qui tient compte de leur niveau réel de transpiration.

Et depuis quelques mois, le FC Barcelone se penche sur le sommeil de ses espoirs avec… des Montréalais.

Ils sont une demi-douzaine de chercheurs. Ils travaillent pour Hexoskin, une entreprise d’ici spécialisée dans les vêtements intelligents. Son président, Pierre-Alexandre Fournier, est très fier de cette collaboration.

PHOTO JOSEP LAGO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La Masia est la pépinière des espoirs du FC Barcelone.

« C’est le club et la compagnie d’assurances Allianz qui nous ont approchés en 2017. Ils nous ont dit : “On cherche des solutions pour étudier le sommeil des athlètes de La Masia.” »

La Masia, c’est la pépinière des espoirs du FC Barcelone. Une académie qui accueille plus d’une centaine de jeunes athlètes de 12 à 17 ans. Lionel Messi y a été formé. Andres Iniesta, Xavi, Cesc Fabregas aussi.

Pierre-Alexandre Fournier s’est rendu sur place pour discuter avec les dirigeants de l’équipe. Il a été soufflé par ce qu’il a vu.

Leur département de recherche est incroyable. C’est plus grand que ce que j’ai vu dans n’importe quelle université. Il y a au-dessus d’une centaine de Ph. D. qui suivent les athlètes à La Masia et au niveau professionnel.

– Pierre-Alexandre Fournier, président d’Hexoskin

Les Montréalais d’Hexoskin, eux, se concentrent sur le sommeil des espoirs. Que font-ils, exactement ? Je vais laisser l’expert vous expliquer.

« Tout le monde a ses clichés sur le sommeil des adolescents. Mais pour vrai, sur le plan scientifique, on ne sait pas comment le sommeil agit sur l’entraînement des athlètes de haut niveau. »

Le FC Barcelone souhaite le découvrir. « [Ses dirigeants] veulent améliorer les performances et réduire les blessures », explique Pierre-Alexandre Fournier. Quelle est la période de récupération optimale ? Existe-t-il un moment idéal pour tenir les entraînements ? Faut-il modifier les horaires de sommeil ? Voilà des questions auxquelles l’étude pourrait fournir des réponses.

Le sujet emballe le président d’Hexoskin. Il pourrait en parler pendant une heure sans perdre mon attention.

« C’est passionnant. Quand tu y penses, il y a beaucoup plus d’athlètes adolescents que de professionnels. Ces ados s’entraînent très intensément. On parle de 20 à 25 heures d’entraînement par semaine, dans plein de sports. On se pose plein de questions sur la santé de ces athlètes-là. »

Et pourquoi le FC Barcelone choisit-il de recourir à Hexoskin ? Entre autres parce que l’entreprise montréalaise propose une méthode différente pour recueillir les données. « D’habitude, les études sur le sommeil se font en clinique. Tu es branché à un paquet d’appareils. Ça prend 90 minutes juste pour te ploguer. C’est un environnement artificiel. Mais c’est quand même considéré comme une mesure étalon. »

Hexoskin entend prouver qu’il peut arriver aux mêmes résultats avec des capteurs installés sur ses vêtements intelligents. On devine que ça facilite grandement la tâche des chercheurs.

Le FC Barcelone publie parfois les résultats de ses études. Si c’est le cas avec celle-ci, ça pourrait avoir des répercussions jusqu’ici. Plusieurs athlètes et clubs pourraient bénéficier de ces recherches. Pensons aux adolescents inscrits dans des programmes de sports-études. Ou aux joueurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

Le FC Barcelone se positionne pour devenir la « Silicon Valley du sport », selon une responsable citée par le Financial Times. C’est bien parti. Le club prend des risques et investit des sommes colossales pour explorer des territoires inconnus.

Soyons fiers de voir des gens d’ici participer à cette grande aventure.