L’Impact gagne. Il mise sur des vedettes locales. Sur un entraîneur-chef réputé. Sur 14 joueurs et entraîneurs capables de communiquer en français avec les partisans.

L’ambiance aux matchs ? Géniale.

La couverture médiatique ? La meilleure de la ligue, selon l’ancien vice-président exécutif Richard Legendre.

Et les foules ?

Décevantes…

L’Impact est incapable de remplir le stade Saputo. Même avec 1200 sièges de moins que l’été dernier. C’est inquiétant. Lors du match d’ouverture, il restait 1000 billets à vendre. Contre New York, 2600. Contre Chicago, 4000. Soit un siège sur cinq.

En fait, l’Impact a presque totalement perdu l’élan qu’il s’était donné avec l’embauche de Didier Drogba à l’été 2015. 

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NOMBRE DE SPECTATEURS PAR MATCH

2015 (avant Drogba) : 16 355

2015 (après Drogba) : 20 306

2016 : 20 669

2017 : 20 046

2018 : 18 569

2019 : 17 118*

* Après trois parties

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Si les maths ne sont pas votre fort, je vous confirme que la courbe ne s’en va pas dans la direction souhaitée. Surtout pas dans une ligue en forte croissance, où des villes comme Nashville construisent des stades de 30 000 sièges.

Comment expliquer cette décroissance, alors que les conditions gagnantes semblent réunies ?

J’ai posé la question à Kevin Gilmore, hier. Le président de l’Impact rencontrait des PDG montréalais dans le cadre d’un dîner organisé par le Cercle canadien. 

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Kevin Gilmore, président et chef de la direction de l’Impact

« Pour le match d’ouverture, quatre jours avant, il y avait quatre pouces de neige sur le terrain. Et il y avait des inondations. Ce n’était pas nécessairement [dans les pensées de] tout le monde. Il y a du travail à faire. [Il faut] faire plus de bruit. […] C’est notre responsabilité de parler aux gens, de s’assurer qu’on leur donne une raison de venir au stade. Pas juste une équipe gagnante. »

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L’Impact compte sur une base de partisans inconditionnels. Les Ultras. Les 1642MTL. Les abonnés. Ils sont environ 11 000. Toujours présents, sous le soleil ou sous la pluie. L’équipe alignerait 11 statues de plâtre sur le terrain, ces fans chanteraient quand même « Nous sommes Montréalais ».

Le problème, c’est que pour embaucher des vedettes internationales et cesser d’accumuler des déficits de 10 millions par saison, l’Impact doit vendre les 8500 autres sièges. Dix-sept fois par année. Un défi colossal, à en croire les employés de l’équipe.

Kevin Gilmore évoque souvent un bassin de 1,9 million d’amateurs de soccer dans la région de Montréal. Ça me semble une estimation très généreuse. Je ne pense pas que tous les parents de joueurs de 5 ans sont des clients potentiels de l’équipe. Les cotes d’écoute des matchs de l’Impact, à TVA Sports, donnent un portrait plus juste de la réalité du marché. Environ 100 000 personnes regardent les rencontres. Un résultat semblable à celui des Alouettes, à RDS.

Où l’Impact pense-t-il trouver les spectateurs manquants ?

Principalement parmi les milléniaux montréalais, me confirme-t-on. Des gens âgés de 18 à 40 ans, qui ont grandi avec le soccer. Un public cible génial pour les annonceurs et pour fidéliser la clientèle à long terme. Mais qui comporte aussi des inconvénients.

Les milléniaux ont des intérêts disparates. Les jeunes sont notamment moins susceptibles d’acheter un abonnement que les gens plus âgés. C’est aussi un groupe dans lequel on retrouve de jeunes parents. Dont le dollar-loisir est moins élastique que celui d’un quinquagénaire sans obligation.

Les billets seraient-ils trop chers pour la clientèle ciblée ?

Kevin Gilmore pense que non. « [Nos prix] s’alignent avec [ceux du] reste de la ligue. C’est très abordable », a-t-il répondu.

Il est vrai qu’il était possible, contre New York, d’acheter quatre billets pour 80 $. Malgré ce prix raisonnable, des centaines de billets sont restés invendus. Une partie du problème s’explique par le marché de la revente, très favorable aux acheteurs. J’ai fait le test pour le match contre New York. Je suis allé fouiner sur le site StubHub quelques heures avant le coup d’envoi. Nous avons payé 130 $ pour quatre billets dans les sections centrales. 

Le prix ordinaire ? 340 $.

Une dévaluation qui, forcément, nuit à la vente de billets supplémentaires par l’organisation. 

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Enfin, le nerf de la guerre : les abonnements d’entreprises. À ce chapitre, l’Impact est parmi les derniers de classe de la MLS. Pour une raison simple : le club n’y a pas mis les efforts nécessaires.

Je cite Kevin Gilmore : « Joey [Saputo] serait la première personne à l’admettre. [Les Saputo] ne se sont pas présentés à la communauté en disant : nous avons besoin de votre support. C’était plus comme : on s’attend à ce que des partenaires nous soutiennent. Il y en a qui se sont présentés. Vidéotron. TVA Sports. Saputo. Nutrilait. [Mais] l’approche a été trop passive vis-à-vis Québec inc. »

L’Impact s’attaque donc à ce segment avec quelques années de retard.

Comment ? En voulant améliorer l’expérience autour du stade. Entre la station de métro Viau et l’entrée principale. Cela créerait de nouvelles possibilités pour les partenaires. On peut penser à des kiosques ou à des tentes d’entreprises, comme au tennis. Une excellente initiative. 

L’échéancier ? Ce n’est pas clair, convient Kevin Gilmore. C’est que l’Impact n’est pas seul dans cette aventure. Il doit obtenir la collaboration de la Régie des installations olympiques. Mon collègue André Dubuc explique le projet dans la section Affaires. On devine toutefois que l’équipe est pressée. Sa « fenêtre d’opportunité » ne restera pas ouverte pour les 50 prochaines années. L’arrivée d’un club de baseball qui viserait les mêmes commanditaires est une menace réelle pour le onze montréalais. 

La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que l’Impact a mis le doigt sur le bobo. Et tente de trouver un remède. Pour que sonne encore longtemps la cloche du stade Saputo.