Dans le débat politique, le terme « populiste » a une connotation péjorative, une sorte d'insulte qu'on se lance à la figure, un peu comme « démagogue ». Aucun politicien ne voudra se définir comme populiste ou n'aimera qu'on l'accuse d'en être un.

Mais pourtant, c'est une façon de voir la politique et de faire les choses que l'on peut décrire sobrement sans transformer le terme en insulte. Le Petit Robert définit le populisme comme le « discours politique qui s'adresse aux classes populaires, fondé sur la critique du système et de ses représentants, les élites ». Ça, c'est pour le fond.

Sur la forme, les politologues diront que le populisme se caractérise par le franc-parler, le désir de parler des vraies choses, la recherche de solutions simples et immédiates.

Est-ce que ça vous dit quelque chose ? Les déclarations du chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, particulièrement celles qu'il a faites depuis la victoire de Donald Trump, correspondent à la virgule près aux définitions classiques du populisme, dans une variante bénigne, précisons-le, modérée dans le ton, soucieuse d'éviter les dérapages. Regardons ce qu'il a dit.

D'abord, qu'il n'était pas offusqué des comparaisons entre lui et Donald Trump : « Je suis à l'aise avec le fait que M. Trump s'est préoccupé de ce que souhaitent les citoyens, a-t-il dit. Actuellement, les gens ne sont pas satisfaits du gouvernement, trouvent que leur gouvernement est loin du peuple. Moi, je pense que je suis quelqu'un qui est proche du peuple. »

« En politique, il ne faut jamais prendre de haut les préoccupations et les inquiétudes de la population. Il y a une certaine élite au Québec qui doit se remettre en question aujourd'hui. » Une élite dont font évidemment partie ses deux principaux adversaires, le premier ministre Philippe Couillard et le chef de l'opposition officielle Jean-François Lisée, mais pas lui. « Je viens d'un milieu populaire. Chez nous, on n'avait pas d'argent. Et je suis toujours resté connecté avec le vrai monde. »

Mais sa déclaration la plus significative, selon moi, entendue dans une entrevue avec Michel C. Auger à la première chaîne de Radio-Canada, est la suivante : « Les gens sur le terrain nous parlent d'impôts, nous parlent de l'intégration des immigrants. Il faut accepter ça. »

En quoi est-elle significative ? Elle illustre parfaitement la mécanique populiste : voici ce que les gens nous ont dit qu'ils voulaient, eh bien, c'est ça qu'on va faire ! En effet, les deux positions les plus visibles de la CAQ sont une réponse directe à ces préoccupations : une baisse de 1000 $ des impôts et une réduction du nombre d'immigrants.

En apparence, il y a là quelque chose d'admirable. Cette façon d'écouter le peuple et de vouloir exaucer ses voeux peut sembler être la quintessence de la démocratie.

Mais dans les faits, le populisme ne donne jamais de bons résultats, parce que la démarche comporte des faiblesses fondamentales, des écueils que les politiciens tentés par le populisme ont du mal à éviter.

En voici quatre.

ÉCOUTE SÉLECTIVE

L'écoute sélective, celle où on n'entend que ce qu'on veut bien entendre. « Ce que les gens nous disent concrètement sur le terrain, les pères, les mères de famille, c'est : mon salaire augmente moins rapidement que mes tarifs, mes taxes, mes impôts. Je n'arrive plus, j'ai besoin d'oxygène, j'ai besoin d'espoir », explique M. Legault. Et pourtant, cherchez, vous ne trouverez aucun sondage où les Québécois mettent le fardeau fiscal en tête de leurs priorités.

EFFET MIROIR

L'effet miroir, qui consiste à reproduire telles quelles les demandes du peuple. Il est important de connaître les inquiétudes et les attentes des gens. Mais ensuite, le devoir d'un politicien, c'est de traduire ces attentes en projets cohérents. Et c'est là qu'intervient le travail des élites - politiciens d'expérience, fonctionnaires, juristes, économistes, médias pour le débat public. Sinon, ça donne, par exemple en réponse à la peur de l'immigration de la clientèle caquiste, l'absurde projet d'examen sur les valeurs québécoises.

FRANC-PARLER

Le franc-parler à sens unique, très franc pour dénoncer le système et les élites, beaucoup moins quand il faut donner l'heure juste au peuple. Par exemple, même si ce n'est pas une priorité, la plupart des gens aimeraient payer moins d'impôts. Mais c'est aussi le devoir d'un politicien de dire aux citoyens que leurs voeux ont des conséquences et que la baisse d'impôts promise, au coût annuel de 1,7 milliard, aura des effets sur la dette ou pourra compromettre un autre voeu, beaucoup plus prioritaire pour le peuple : le réinvestissement en santé.

HUILE SUR LE FEU

L'huile sur le feu, qui consiste non seulement à écouter le peuple, mais à nourrir ses inquiétudes, à les attiser, ce que M. Legault a fait abondamment dans le cas de l'immigration, premier aux barricades pour exprimer son indignation et donc amplifier celle de son électorat, par exemple dans l'histoire risible du burkini.