Un remaniement ministériel, ce n'est pas un résultat, mais plutôt un point de départ, une promesse. On ne sait pas à l'avance si l'équipe ministérielle renouvelée de Philippe Couillard tiendra ses promesses, mais pour l'instant, on doit noter que les messages qu'a envoyés le premier ministre en annonçant la composition de son cabinet sont positifs à plusieurs égards.

Le premier message, le plus fort, c'est que le gouvernement libéral veut tourner la page. Après 22 mois, presque un demi-mandat, marqué par les politiques de rigueur, M. Couillard estime que cette période pénible est derrière nous et qu'on peut passer à autre chose. Cela contribue à expliquer l'ampleur du remaniement qui a pris tout le monde par surprise. Le premier ministre, qui jouit toujours de solides appuis et qui n'est pas menacé par les deux grands partis d'opposition, aurait pu se contenter de modifications mineures à la composition de son équipe ministérielle pour régler les cas problèmes. L'importance des changements annonce que le gouvernement veut changer de vitesse, de style et de priorités.

Rétrospectivement, cela permet aussi de dire que le gouvernement Couillard avait raison de vouloir éliminer rapidement le déficit, même si cela a fait mal et même si cela a suscité de nombreuses critiques. Cela lui a permis de ne pas étirer indûment la période de vaches maigres en appliquant ce que j'ai appelé la théorie du sparadrap. Cela étant dit, il ne faut pas rêver en couleurs. Les finances publiques québécoises ne sont pas revenues à la normale, la croissance des dépenses n'est pas stabilisée, les mesures de rigueur feront sentir leurs effets longtemps et l'argent ne pousse toujours pas aux arbres.

Le deuxième grand message, c'est l'insistance que M. Couillard a voulu mettre sur l'économie, dans son allocution et dans la façon audacieuse dont il a rebrassé les cartes. Il a démantelé le trio économique qu'il avait présenté avec fierté lors de la campagne électorale, envoyant Martin Coiteux aux Affaires municipales et Jacques Daoust aux Transports. C'est une nouvelle venue, Dominique Anglade, qui détiendra le portefeuille de l'Économie. Ce choix a suscité plusieurs commentaires inquiets puisque l'on confie ce poste à une néophyte.

J'ai du mal à ne pas y voir une pointe de sexisme. Faut-il rappeler que les ministres économiques nommés au début du mandat étaient tous des néophytes ?

Mme Anglade, qui a une expérience économique avec Montréal International et une expérience politique comme ancienne présidente de la CAQ, peut apporter quelque chose qui manquait au gouvernement Couillard, donner une voix et un sens à ses politiques économiques. Et son défi, ce sera de donner une cohérence à la multiplicité des interventions économiques et de les articuler dans une véritable stratégie. Ce défi sera plus facile à relever si elle réussit à construire un duo fort avec le ministre des Finances, Carlos Leitao.

Le troisième grand message, c'est l'importance que M. Couillard affirme vouloir donner à l'éducation, qui sera son autre grande priorité. Le message fait plaisir à entendre, moi qui, pas plus tard que mercredi, en faisais l'objet d'une chronique. Le fait qu'il ait nommé à l'Éducation un ministre fort comme Pierre Moreau semble indiquer que ce ne sont pas des paroles en l'air. On a dit que ce politicien serait capable de mettre le réseau de l'éducation au pas. Je vois plutôt les choses dans l'autre sens. Un ministre de l'Éducation fort sera aussi capable de mettre le gouvernement au pas, d'imposer l'éducation comme une priorité à un monde politique dont ce n'est pas le réflexe.

Le quatrième grand message de ce remaniement, à travers les mandats donnés aux ministres et les propos du premier ministre, c'est celui de la compassion, avec des références nombreuses aux clientèles les plus vulnérables, qui ont été particulièrement affectées par les compressions, comme les élèves en difficulté ou les parents de jeunes enfants. Il y a évidemment là du marketing politique, dans un discours écrit pour répondre aux critiques dont le gouvernement a été l'objet pour son insensibilité. Ce qu'on verra, c'est si cette intention louable se transforme en changement de culture pour que, dans le quotidien, le gouvernement libéral développe les réflexes et les mécanismes pour éviter de provoquer des crises inutiles.