On s'entend en général pour dire que le recul dans les intentions de vote pour le NPD a commencé avec le débat sur le port du niqab dans les cérémonies de citoyenneté.

Ce débat a montré que le succès du NPD reposait sur une bulle. Il n'y a jamais eu de lutte à trois au Canada anglais. Le parti de M. Mulcair jouissait d'appuis comparables à ceux des libéraux et des conservateurs à l'échelle nationale uniquement grâce à son avance écrasante au Québec. La bulle a crevé quand le débat artificiel sur le niqab a montré que la vague orange provenait en bonne partie d'un électorat nationaliste de droite non urbain qui a largué le NPD.

Mais il y a un autre grand jalon dans cette glissade. L'opposition de Thomas Mulcair au Partenariat transpacifique (PTP) et, surtout, la façon dont il l'a dénoncé marquent vraiment le début de la fin. Parce que sa critique violente du PTP constitue en quelque sorte un aveu, le signe que le chef néo-démocrate reconnaît implicitement qu'il n'est plus dans la course et qu'il renonce au rêve de former le prochain gouvernement.

En soi, le fait de s'opposer à un tel traité est parfaitement défendable parce qu'on ne connaît pas les détails de l'entente, qu'on est incapable de faire, pour l'instant, le bilan des gains et des reculs qu'elle permettrait. Le partenariat ne fait d'ailleurs pas l'unanimité dans la population. En outre, M. Mulcair serait en bonne compagnie. Le chef libéral John Turner avait promis en campagne de déchirer la première entente avec le Mexique et les États-Unis. Jean Chrétien avait promis de renégocier l'ALENA, ce qu'il n'a pas fait. Barack Obama, en campagne, a voulu lui aussi rouvrir l'ALENA, ce qu'il n'a pas fait non plus. Il en a même signé une autre. Et maintenant, la candidate démocrate Hillary Clinton s'oppose au PTP.

Mais il y a la façon et le contexte. Le chef néo-démocrate ne s'est pas laissé de marge de manoeuvre, « Nous nous opposons à cet accord. Nous sommes très clairs à ce sujet. Nous pensons que cet accord est mauvais. » Sa dénonciation était pamphlétaire. « Il sacrifie nos fermes familiales, il a abandonné les travailleurs automobiles, il va faire grimper le coût des médicaments, et nos artistes et notre culture sont plus que jamais en péril. »

C'est gros. Le genre de sortie qu'on attendrait d'un leader syndical ou d'un porte-parole de l'Union des producteurs agricoles. Le genre de choses qu'un futur premier ministre ne dirait pas.

C'est ce qui permet de croire que Thomas Mulcair a cessé de se battre pour le devenir.

Dans le dossier du PTP, Thomas Mulcair a carrément ressorti des boules à mites les vieilles lignes du NPD, avec sa culture syndicale rigide, son opposition viscérale au principe même du libre-échange. Il s'agit là d'une rupture importante avec la stratégie qu'il avait déployée depuis le début de cette longue campagne.

Le chef néo-démocrate avait fait un difficile travail d'équilibriste pour faire oublier le socialisme dogmatique et poussiéreux du NPD et séduire l'électorat centriste, surtout libéral, et se présenter comme une alternative au gouvernement Harper. C'était un exercice difficile, parce qu'il fallait rassurer et séduire ces électeurs non acquis au NPD, sans non plus laisser tomber la base militante.

C'est cette stratégie que M. Mulcair a abandonnée cette semaine, pour reprendre le ton hargneux du vieux NPD. L'électorat centriste qu'il courtisait n'est pas farouchement opposé au libre-échange. Il n'est pas non plus du genre à applaudir à des diatribes populistes.

Pourquoi ce virage ? Parce qu'une prise de position plus prudente aurait été une hérésie de trop pour sa base ? Parce que, en perte de vitesse, il se rabat sur sa clientèle électorale traditionnelle ? Parce qu'il veut doubler les libéraux sur la gauche ? Parce qu'il espère réaliser des gains ciblés dans les circonscriptions où il y a des fermes laitières ou des usines automobiles ? Dans tous les cas de figure, l'aveu d'échec est le même.