Coup de théâtre dans le monde de la santé. Le fameux projet de loi 20, celui qui imposait des quotas de patients aux généralistes, est mis sur la glace, parce que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et le gouvernement Couillard ont réussi à s'entendre sur les façons d'augmenter le nombre de patients qui auront accès à un généraliste.

C'est en soi une excellente nouvelle, parce que le système des quotas, arbitraire et aveugle, risquait de faire plus de mal que de bien et aurait maintenu le climat d'affrontement malsain entre les médecins et le ministre de la Santé Gaétan Barrette.

Il serait difficile pour moi de ne pas être favorable à cette solution pacifique parce que c'est exactement celle que j'avais proposée dans ces pages il y a deux mois, quand la FMOQ, comme alternative au projet de loi 20 avec ses quotas de patients et ses pénalités, s'engageait à être proactive et proposait plusieurs mesures concrètes pour améliorer l'accès. Je concluais en écrivant : « Entre le statu quo et le chaos, il y a certainement, quelque part, un juste milieu. La FMOQ propose un objectif, raisonnable, de donner accès à un médecin de famille à 80 % des Québécois d'ici 2017. Pourquoi ne pas les prendre au mot, en se gardant en réserve une épée de Damoclès ? »

C'est exactement ce qu'a fait le ministre Barrette. Il demande un peu plus, soit que 85 % des Québécois aient accès à un médecin d'ici 2017, et maintient l'adoption du projet de loi 20, mais il en retarde l'application jusqu'en 2017, et seulement si les objectifs ne sont pas atteints.

Que s'est-il passé entre les prises de bec musclées de cet hiver et l'harmonie qui régnait cette semaine ? Le ministre a-t-il écouté les conseils de ceux qui s'inquiétaient de son intransigeance ? Peut-être. A-t-il été poussé au compromis par son gouvernement, qui a découvert que la méthode forte rendait le ministre de la Santé très impopulaire ? Peut-être encore.

Mais il est également possible que le ministre, depuis le début, mettait de la pression sur les syndicats de médecins pour réussir à en arriver à une entente négociée.

Bref, ce qui peut ressembler à un plan B était peut-être, depuis le début, le véritable plan Barrette.

Il est en effet très clair que les menaces du ministre et son approche musclée ont eu le résultat escompté. Elles ont certainement forcé la FMOQ à bouger beaucoup plus qu'elle ne le faisait dans le dossier de l'accès aux médecins, et peut-être à convaincre la portion plus traditionaliste de la profession médicale qu'il valait mieux gérer le changement que de se le faire imposer.

Avec l'entente de cette semaine, la FMOQ et ses membres devront en faire plus pour développer les groupes de médecine familiale, collaborer avec les professionnels de la santé et généraliser l'approche de l'accès adapté, une autre façon beaucoup plus intelligente de gérer et de prioriser les prises de rendez-vous.

De son côté, le ministre devra donner aux médecins des moyens pour atteindre leurs objectifs de prise en charge - informatisation, recours accru aux infirmières spécialisées, et un changement important dans la philosophie des activités médicales particulières (AMP) qui, actuellement, forcent les médecins à consacrer une part trop importante de leurs énergies dans les hôpitaux plutôt qu'en clinique ou en CLSC.

Cette approche consensuelle a plus chances de réussir que la manière forte. Mais l'enthousiasme du ministre et du président de la FMOQ, Louis Godin, semblaient prématuré. Est-ce possible, d'ici là, de transformer la culture de certains médecins ? Le ministre pourra-t-il vraiment progresser dans des dossiers qui piétinent depuis des années, comme l'informatisation ou la formation d'infirmières cliniciennes ? Pourra-t-on progresser sans revoir, comme l'a noté la CAQ, le mode de rémunération des médecins ? 2017, ce n'est pas loin.