J'ai été étonné, mercredi, de la charge qu'a faite François Legault, le chef de la Coalition avenir Québec, contre la principale recommandation de la commission sur la fiscalité présidée par Luc Godbout, qui consiste à augmenter la TVQ d'un point de pourcentage pour baisser les impôts sur le revenu de plusieurs milliards.

«Le premier ministre doit s'exprimer clairement, et à court terme, sur la principale recommandation du rapport... Il doit assurer, aujourd'hui, que son gouvernement n'augmentera pas la TVQ», a-t-il lancé.

Mais ce qui m'a encore plus étonné, c'est la réponse très tiède du premier ministre Couillard. «J'ai moi-même les mêmes hésitations que lui, mais je voudrais qu'il y ait une période de discussion dans la société.»

Ces réticences du premier ministre, qui s'ajoutent à l'opposition claire des deux principaux partis d'opposition, semblent indiquer qu'on risque de se diriger vers le rejet de la recommandation centrale de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise et, donc, sur le tablettage d'un autre rapport.

Ce que je ne comprends pas, dans un premier temps, c'est pourquoi le gouvernement Couillard a lancé une commission pour proposer des réformes, et dépensé 2,5 millions, s'il n'était pas prêt à réformer la fiscalité, d'autant plus que les idées de M. Godbout, son président, étaient connues.

Le rapport, rappelons-le, proposait un jeu à somme nulle. D'un côté, des hausses de taxes - une hausse de la TVQ (2,9 milliards), une révision des cadeaux fiscaux (1 milliard), la tarification (800 millions) -, mais de l'autre, une baisse de 4,4 milliards de l'impôt sur le revenu, soit de 1000$ à 2000$ pour la plupart des familles, et une aide accrue de 300$ pour les plus démunis. Pourquoi tout ce remue-ménage? Plus d'incitation au travail, une croissance économique plus forte, un système fiscal plus clair et plus juste.

Cette proposition peut susciter des réticences. D'abord celle des courants de gauche qui, oubliant que ce genre de taxe est abondamment utilisé dans les pays sociodémocrates européens, craignent les effets régressifs de la TVQ, à tort, car il existe des outils pour réduire ce risque.

Ensuite, la crainte, qui est celle de M. Legault, tout comme de M. Couillard, qu'une TVQ trop élevée provoque un déplacement de la consommation hors de nos frontières. La commission estime, ce qui me semble raisonnable, qu'un passage de la taxe combinée de 15% à 16% est trop modeste pour provoquer un tel mouvement.

Un autre facteur peut nourrir les réticences, celui de l'aversion pour les taxes de vente, un phénomène culturel nord-américain prononcé dans les régions où règne le populisme de droite, notamment l'Alberta, fière de ne pas avoir de taxe de vente provinciale. C'est ce qui explique la décision du gouvernement Harper, stupide sur les plans fiscal et économique, d'abaisser la TPS de 7% à 5%. Est-ce que ce courant touche la CAQ, héritière de l'ADQ? Ce serait étonnant quand on se souvient que M. Legault souhaitait que le Québec récupère le champ fiscal de la TPS abandonné par Ottawa.

Le coeur de l'affaire, selon moi, ce sont plutôt les réticences du monde politique devant des réformes complexes et difficiles à vendre. Dans ce cas-ci, les citoyens craignent de se faire avoir. J'ai pourtant la conviction qu'on peut expliquer cette réforme, et que les citoyens peuvent parfaitement la comprendre.

Mais si les politiciens hésitent à miser sur l'intelligence des citoyens, c'est que souvent, ils ne contribuent pas à les éclairer, notamment dans les débats parlementaires où la pensée complexe ne semble pas avoir sa place. Par exemple, M. Legault, dans son intervention à l'Assemblée nationale, n'a parlé que de la moitié de la réforme proposée par le rapport Godbout, la hausse de la TVQ, sans faire la moindre allusion à son autre volet, la baisse considérable de 4,4 milliards de l'impôt sur le revenu.