Une lutte pour la direction d'un parti n'est pas une campagne électorale. Ce n'est pas non plus un débat politique comme les autres, puisqu'il s'adresse d'abord et avant tout aux membres du parti qui seront appelés à choisir leur chef.

Bien sûr, les candidats à la direction doivent indirectement s'adresser à la population en général parce qu'ils devront convaincre les membres de leur parti de leur capacité de les mener à des succès électoraux. Mais leurs déclarations et leurs stratégies s'adressent d'abord à une clientèle restreinte et s'inscrivent dans une logique interne.

Cette dynamique en vase clos est beaucoup plus marquée au Parti québécois, parce que ses membres ne recherchent pas seulement un politicien capable de remporter des élections et de devenir un bon premier ministre, mais un leader capable de réaliser ce qui est la raison d'être du parti: l'indépendance du Québec.

Cela contribue à donner à cette course à la direction un caractère assez surréaliste, parce que les tendances de fond que l'on observe depuis deux décennies rendent très peu plausible - soyons polis - la capacité des souverainistes de convaincre une majorité de la population québécoise du bien-fondé de leur option.

Ce caractère surréaliste, on le voit dans la dynamique même du débat, où la question de l'indépendance occulte les autres dossiers qui devraient préoccuper un parti de pouvoir et force les candidats à une surenchère de ferveur indépendantiste pour convaincre leur auditoire restreint de 65 000 membres de la pureté de leurs convictions.

On le voit aussi dans les contorsions idéologiques nécessaires des candidats pour démontrer leur capacité de rassembler la famille souverainiste, essentiellement Québec solidaire, et donc de se rapprocher d'un parti qui incarne une version moderne de la gauche marxiste.

Cela donne aussi Pierre Karl Péladeau, le favori, dont la présence est incongrue, en raison de ses idées peu compatibles avec ce qu'incarne le Parti québécois, mais dont l'arrivée au PQ lors de la dernière campagne électorale a suscité un véritable enthousiasme parce que son statut d'homme d'affaires pourrait donner de la crédibilité à l'option.

Cela donne aussi un parti d'idées qui évite soigneusement de se poser la question qui devrait pourtant le hanter: pourquoi l'option souverainiste séduit-elle si peu? Alexandre Cloutier aborde cette question prudemment. Mais le seul candidat qui osait vraiment cette réflexion, Jean-François Lisée, s'est retiré de la course.

Les chiffres sont pourtant têtus, sondage après sondage, élection après élection. L'appui à la souveraineté, selon notre CROP de la semaine dernière, s'établit à 33%, 36% après répartition des indécis. À peine un peu plus d'un Québécois sur trois est en faveur de l'indépendance. Et seulement 12% voudrait un référendum dans un éventuel premier mandat d'un gouvernement péquiste. Voilà la mesure de la soif du pays.

Happé par une course à la direction, le PQ a plutôt choisi le déni et explique ces échecs récents par le flou que Pauline Marois entretenait son sur projet. Et en déduit donc que les succès seraient plus grands si le chef du parti était plus clair. Mais en fait, ce que l'on décrit comme le flou, c'est l'impasse dans laquelle tous les chefs du PQ se trouvent depuis Jacques Parizeau, obligés de satisfaire à la fois des militants qui n'accepteraient pas un recul sur l'option et des électeurs à qui l'idée même d'un référendum donne de l'urticaire. Si le PQ choisit d'être plus ferme, il risque de s'enfoncer encore plus.

Pour éviter de parler de mécanique référendaire, un terrain sur lequel le PQ est invariablement perdant, les stratèges du parti souhaitent que l'on s'attache à parler du pourquoi plutôt que du comment. Mais comme ça fait 50 ans qu'on en parle, comment espérer que la magie opérerait maintenant si on en parle encore plus? C'est un peu comme les gens qui, devant un étranger qui ne comprend pas notre langue, ont le réflexe de parler plus fort.