Un des résultats de la crise financière, et ensuite de la crise des finances publiques qu'elle a provoquée, est certainement une polarisation idéologique autour du rythme du redressement budgétaire et des façons d'y parvenir.

C'est dans ce contexte qu'on semble assister à une radicalisation du mouvement syndical québécois, dont le discours est devenu plus à gauche, plus près des dogmes des années 60, un phénomène certainement exacerbé par l'approche de négociations difficiles avec l'État.

Ce glissement est manifeste dans deux textes publiés dans La Presse vendredi dernier, une réplique du président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, M. Daniel Boyer, à une de mes chroniques, et une autre du président de la Confédération des syndicats nationaux, M. Jacques Létourneau, à un éditorial d'André Pratte. Dans les deux textes, il y a un évident point de convergence: la solution à la crise des finances publiques passe par la colonne des revenus.

M. Boyer me reproche d'avoir fait un «raccourci inacceptable». «Résumer tout cela par de laconiques «hausses d'impôt» est injuste, voire presque méprisant», affirme-t-il. Je crois cependant que ces trois mots résumaient parfaitement la démarche de sa centrale, bien décrite dans le mémoire de la FTQ à la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise. Mais allons-y donc pour une version plus longue.

La FTQ propose d'abord une grille d'analyse qui repose sur les trois points suivants: «Une situation pas si catastrophique», «Le remboursement de la dette: une priorité nuisible», «L'austérité, la pire des décisions». Pour cette situation pas si catastrophique, la FTQ propose donc de reporter l'atteinte de l'équilibre budgétaire, d'arrêter de mettre de l'argent dans le Fonds des générations, et écarte aussi les recours à la tarification. Quoi alors? «Une solution: agir aussi sur les recettes».

La centrale propose évidemment de réclamer des points d'impôt d'Ottawa, mais surtout d'«assurer un plus grand effort fiscal des entreprises», de réduire les subventions, revoir les crédits d'impôt (sauf évidemment pour les fonds de travailleurs), d'imposer davantage les grandes entreprises, de taxer le capital financier, de réviser les dépenses fiscales, d'introduire un impôt minimum, de revoir le traitement des gains de capital. Elle veut également imposer davantage les riches, avec un plus grand nombre de paliers d'imposition, une surtaxe sur les biens de luxe, un changement dans le traitement des gains de capital et des dividendes.

Je crois que «hausse d'impôts» résume assez fidèlement ce mémoire. Ceux de la CSN et de la Centrale des syndicats du Québec vont dans le même sens.

Certaines idées méritent réflexion, notamment celles sur les paliers d'imposition et sur une révision des crédits d'impôt, d'ailleurs déjà amorcée. Mais l'ensemble de ces propositions, qui ressemblent plus à un petit catéchisme qu'à une véritable stratégie économique, aurait pour résultat de faire du Québec une espèce de village gaulois fiscal en Amérique du Nord. Croire qu'une telle approche n'aurait pas d'impact sur l'économie relève de la pensée magique. Je serais d'ailleurs assez curieux de savoir ce que les entreprises que soutient le Fonds de solidarité, dont M. Boyer est premier vice-président du conseil, en penseraient.

Un seul parti propose des solutions qui ressemblent à celles que préconisent les trois centrales. Et c'est Québec solidaire. Cela m'amène à opposer deux chiffres: 7,63%, le pourcentage de votes recueillis par QS aux dernières élections, et 39,9%, le taux de syndicalisation au Québec. Ces chiffres nous rappellent que la très grande majorité des Québécois syndiqués ont voté soit pour le PLQ, soit pour le PQ, soit pour la CAQ, trois partis qui ne partagent pas l'analyse et la stratégie des grandes centrales dont ils sont membres. N'y a-t-il pas là comme un petit problème?