La question que se posent tous ceux qui suivent l'actualité politique de près, c'est de savoir si le gouvernement libéral sera capable de passer à travers le mur de résistance qui s'érigera contre ses politiques d'austérité. Ce sera le grand test de la rentrée politique du premier ministre Philippe Couillard.

La question est légitime, mais ce n'est pas celle que l'on devrait d'abord se poser. La vraie question, c'est qu'est ce qui arrivera si le gouvernement échoue dans ses efforts pour restaurer l'équilibre budgétaire? L'enjeu est là.

Le Québec est aux prises avec une crise financière structurelle qui ne disparaîtra pas d'elle même. Il traverse en outre une période de stagnation économique. Le mélange est pernicieux. Le Québec ne peut pas se payer le luxe de ne pas résoudre ce double problème. Parce que ne rien faire, c'est amplifier l'impasse. M. Couillard comparait hier la crise actuelle à celles de 1982 et de 1997. Il a tout à fait raison.

Jusqu'ici, le gouvernement Couillard a l'opinion publique de son côté, ce qui lui donne un bon de coup de pouce. Le taux de satisfaction à l'égard du gouvernement, selon notre dernier sondage CROP, à 44%, est relativement élevé dans les circonstances. L'appui aux libéraux reste bon, à 41%, tandis que les caquistes récoltent 27%. C'est dire que les deux tiers des électeurs voteraient pour deux partis qui prônent la rigueur financière.

Mais on sait aussi que cet appui s'effritera à mesure que l'on passera de la théorie à la pratique. Si les gens sont d'accord avec le principe de la rigueur budgétaire, leur soutien deviendra certainement moins solide quand ils verront les effets concrets des mesures d'austérité.

La position gouvernementale perdra également des appuis à mesure que le mouvement d'opposition va s'organiser. Déjà, les employés municipaux tentent de rallier les employés provinciaux à leur cause. Ajoutons les négociations du secteur public, celles des médecins, la traditionnelle coalition arc-en-ciel des organismes communautaires, de la mouvance de gauche, du monde de la culture. Les citoyens ne changeront pas d'idée pour autant, mais on a vu, avec le conflit étudiant, que les Québécois ont horreur de l'instabilité, assez pour préférer le statu quo aux crises sociales.

Jusqu'ici, la démarche sobre adoptée par le premier ministre Couillard et son équipe a donné de bons résultats: un mélange de fermeté et de pédagogie où l'on tente de faire appel à l'intelligence et au bon sens des citoyens. Il pourra également compter sur les travaux des deux commissions qu'il a mises sur pied, sur la révision des programmes et sur la fiscalité.

Ce qu'on ne sait pas encore, parce qu'il s'agit d'un nouveau gouvernement, c'est si M. Couillard sera capable de résister aux pressions et s'il fera preuve de la constance qui a manqué à ses deux prédécesseurs, Pauline Marois et Jean Charest.

Mais pour gagner cette bataille, il faudra un débat collectif qui dépasse la fiscalité et les finances publiques. Il existe au Québec un attachement très profond aux acquis. On oublie que la défense des acquis et la défense des grandes valeurs qui façonnent notre société, ce n'est pas du tout la même chose. Il y a des moments où, pour préserver l'essentiel, il faut accepter des changements qui semblent être des reculs.

Le Québec a un choix. S'il tient à ce qu'il a accompli, il devra changer, assainir ses finances, dynamiser son économie. C'est une voie que les pays scandinaves ont empruntée pour sauver leur modèle. Mais il y a un autre modèle qui exerce toujours un grand attrait au Québec: celui de la France, un pays qui a choisi de ne pas changer, et qui ne fait que s'enfoncer.