Si, au Québec, il y a actuellement une réflexion sur le sens à donner à la fête nationale du Québec, il n'y aura pas beaucoup de débat sur le sens à donner à la fête du Canada, pour la simple raison que cette fête n'existe pratiquement pas au Québec.

Les anglophones du Québec peuvent fêter le 1er juillet, certains allophones aussi, mais pour la très grande majorité des francophones, le 1er juillet est un jour de congé qui, parfois, comme cette année, permet d'allonger le week-end.

Il y a deux raisons à cela. D'abord, une partie de la population québécoise est souverainiste et ne veut pas fêter le pays qu'elle veut quitter. Et même si l'appui au projet souverainiste est en baisse, la culture qu'il a engendrée reste profondément enracinée.

Ensuite, les Québécois ont progressivement affirmé au fil des décennies un sentiment d'appartenance à une nation. L'existence de la nation québécoise est maintenant reconnue par une très grande majorité de Québécois, elle transcende les clivages politiques et ce principe s'est même imposé à la Chambre des communes.

Pour la très grande majorité des Québécois, leur nation, c'est le Québec. Et c'est à la nation que l'on réserve les célébrations d'une fête nationale, les hymnes, les élans festifs, les drapeaux, le patriotisme, la fierté ou le chauvinisme olympique.

Cela n'empêche pas une grande majorité de Québécois et une majorité de francophones de vouloir rester au sein du Canada, de voir les bienfaits de l'appartenance à la fédération canadienne. D'autant plus que les rapports avec le Canada sont colorés par la nature difficile des rapports entre la minorité francophone et la majorité anglo-canadienne. Tout cela ne mène pas à des élans de même nature que ceux qu'ils réservent pour le Québec.

Les rapports des Québécois avec le Canada sont rendus encore plus compliqués par la géométrie variable que peut prendre leur double identité, Canadiens d'abord, Canadiens et Québécois, Québécois d'abord, seulement Canadiens ou seulement Québécois. Mais il est clair que la franche fierté d'être canadien, comme l'incarne par exemple l'ex-premier ministre Jean Chrétien, est devenue rare et qu'un nombre croissant de Québécois se sentent d'abord québécois.

Certains souverainistes voient en cela un terreau fertile pour le projet souverainiste. L'ex-ministre Jean-François Lisée, par exemple, il y a à peine deux ans, avait développé une thèse hallucinante - ou hallucinée - sur le «courant jet de la souveraineté», voulant que le sentiment d'appartenance au Québec des jeunes serait un terreau fertile pour l'indépendance. C'est un fantasme, comme les événements récents l'ont montré. Comme celui d'un gay qui croirait que tous les hommes qui porte des vêtements roses sont des homosexuels qui s'ignorent.

Ce sentiment d'être d'abord québécois a toutefois des conséquences. Parallèlement à la descente aux enfers du mouvement souverainiste, on assiste à un autre processus, celui de l'éloignement du Canada, d'un détachement croissant de la réalité canadienne qui se double d'une forme d'indifférence constitutionnelle. Ce désintérêt, qui se manifeste par exemple dans la façon désinvolte dont les Québécois votent aux élections fédérales, a d'importantes conséquences: ils participent moins aux débats canadiens qui les concernent, ils ont moins d'influence politique.

Cet éloignement les amène également à oublier que s'il y a deux nations au Canada, ces deux nations se sont développées ensemble et qu'elles partagent un grand nombre de valeurs et de résultats, comme la qualité de vie. Le modèle québécois est, à de très nombreux égards, un modèle très proche du modèle canadien. Mais même si les Québécois s'impliquaient davantage dans les processus de décision canadiens, même s'ils étaient davantage conscients de l'existence d'un important bagage commun, cela ne les amènerait pas à agiter des drapeaux rouges le 1er juillet.