Ce week-end, l'ex-première ministre, Mme Pauline Marois, a prononcé un discours d'adieu à Drummondville, lors d'une soirée-hommage en son honneur, devant 400 militants du Parti québécois (PQ). Un discours qui, en quelque sorte, était son testament politique.

Quel étrange discours. Mme Marois a dit que le Québec n'était pas à l'abri d'une montée de l'extrême droite comme celle qui s'est exprimée il y a deux semaines lors des élections européennes. Ce qui, selon elle, pourrait déclencher ce phénomène, ce sont les remises en cause des acquis et les politiques d'austérité.

«C'est un phénomène qui apparaît quand on remet en question les mesures collectives, en pensant à l'approche individuelle plutôt que sur la collectivité. Quand les difficultés budgétaires apparaissent, la tendance est de remettre en question ces grandes mesures qui ont fait que le visage du Québec a changé, que la pauvreté a reculé avec la politique des services de garde. Cela m'inquiète quand je vois la façon dont gère, à très courte vue, le gouvernement actuel».

Est-ce que ça vaut la peine de souligner les trous et les troublants messages de son analyse? Mme Marois a été battue, elle quitte la vie politique, son parti est affaibli. Pourquoi s'acharner? Parce que le PQ forme l'opposition officielle, et qu'à ce titre, il jouera encore un rôle majeur dans le débat public et dans la vie démocratique. Assez pour que l'on veuille savoir jusqu'où les points de vue de Mme Marois sont ceux de son parti.

Le dénominateur commun des partis d'extrême droite qui se sont démarqués dans les élections Grèce, Pays-Bas, Autriche, Danemark, France - c'est d'abord et avant tout leur opposition à l'immigration et leur xénophobie. Or, au Québec, les seules manifestations récentes de xénophobie se sont exprimées dans certains appuis à la Charte des valeurs du gouvernement péquiste et les seuls propos pouvant rappeler le Front national ont été ceux de Janette Bertrand sur les Arabes, Mme Marois à ses côtés.

Le lien entre la montée de l'extrême droite et l'abandon des projets collectifs n'est pas non plus évident. Il suffit de regarder les deux pays où la percée des partis anti-immigration est la plus préoccupante: la France, gouvernée par des socialistes, et le Danemark, un modèle d'État-providence.

Mais l'élément le plus troublant du discours de Mme Marois, c'est sa dénonciation de ce qu'elle qualifie de «gestion à courte vue» du nouveau gouvernement. À ma connaissance, l'objectif de retour à l'équilibre budgétaire du gouvernement Couillard est exactement le même que celui du gouvernement Marois, et les efforts de compressions pour y parvenir sont de même ampleur.

Mme Marois, en toute logique, peut difficilement dénoncer la gestion à courte vue du gouvernement Couillard sans dénoncer aussi celle qui aurait été la sienne. Car si son gouvernement avait ses solutions qui n'étaient pas à courte vue, il s'est bien gardé d'en parler en campagne électorale. D'autant plus qu'on sait qu'il avait dans ses cartons une «liste des horreurs», des projets de compression, notamment en santé, qui ne faisaient pas dans la dentelle.

L'autre hypothèse, c'est que Mme Marois n'appuyait pas le budget Marceau déposé avant les élections et qu'elle n'aurait pas eu l'intention de mettre en oeuvre ses politiques d'austérité si elle avait repris le pouvoir.

Le gouvernement qu'elle a dirigé est loin d'être le seul responsable de la crise financière actuelle. Mais il a contribué à l'amplifier en perdant le contrôle des finances l'an dernier et en léguant à ses successeurs une situation pire que celle que décrivait le budget de février dernier. Il y a maintenant quelque chose d'indécent à s'attaquer à ceux qui doivent maintenant ramasser les pots cassés et faire le sale travail.