Le premier ministre Philippe Couillard, dans son discours d'ouverture, a formellement lancé l'offensive de son gouvernement pour non seulement éliminer le déficit en deux ans, mais aussi s'attaquer aux problèmes structurels qui entravent l'État québécois.

Son ton était déterminé et ferme. Mais les Québécois savent bien que d'autres gouvernements ont eux aussi annoncé des réformes en profondeur qu'ils ont été incapables de mener à bien. On sait aussi qu'il y a une grande différence entre les engagements très généraux d'un discours d'ouverture et la mise en oeuvre concrète des politiques. Pourquoi le gouvernement Couillard réussirait-il là où les autres ont échoué?

J'ai l'impression que, cette fois-ci, ce pourrait être la bonne. Ce qui me permet cet optimisme prudent, c'est qu'un certain nombre de facteurs jouent en faveur du nouveau gouvernement.

La lutte au déficit, et encore plus les efforts pour changer la culture de l'État pour revenir à un certain équilibre entre les ressources et les missions, ne sont pas des opérations financières et administratives. Il s'agit essentiellement d'un exercice politique, pour identifier des réformes acceptables et ensuite pour réussir à les faire accepter.

Ce qui avantage M. Couillard, c'est d'abord le résultat des élections du 7 avril, le fait qu'il dirige un gouvernement majoritaire, et ne souffre donc pas de la vulnérabilité qui entravait le gouvernement Marois. Et comme il entreprend son mandat sur le thème de la rigueur, il a quatre ans devant lui.

Ce qui l'aide aussi, c'est la configuration de l'Assemblée nationale. La Coalition avenir Québec prône la rigueur budgétaire avec encore plus de conviction que les libéraux et exercera donc une pression sur le gouvernement pour qu'il maintienne le cap. Ces deux partis représentent pas loin des deux tiers des électeurs. Et comme les cibles budgétaires du gouvernement libéral sont celles qu'avait fixées le gouvernement précédent, l'opposition péquiste peut difficilement s'objecter. Résultat, dans ses efforts, le gouvernement Couillard ne sera pas paralysé par l'opposition comme l'avait été le gouvernement Charest.

À cela s'ajoute une opinion publique qui, pour l'instant, appuie cette démarche de rigueur. 77% des répondants au dernier sondage Léger Marketing, dans Le Devoir, sont pour une élimination du déficit par un contrôle des dépenses, ce qui reflète le fait qu'il y a, dans la population, une prise de conscience de la gravité de la situation, un sentiment d'urgence.

Mais cet appui, qui décrit l'existence d'une lune de miel, n'est pas nécessairement durable. D'une part, parce que la première étape dans la stratégie en deux temps du gouvernement, les compressions immédiates pour éliminer le déficit, ne seront pas indolores et risquent de contribuer à créer un climat difficile pour la suite des choses. D'autres parts, la deuxième étape qui consiste à examiner les programmes et à redéfinir les façons de faire de l'État, susciteront certainement de vives résistances. «Changer la culture de l'État», comme le dit M. Couillard, ça revient à changer la culture du Québec tout court.

Le véritable défi, ce n'est donc pas le discours d'ouverture d'avant-hier, ni même le budget prévu début juin, mais ce qui va se passer dans un an, dans deux ans, avec les suites à donner à la révision de la fiscalité et aux travaux de la Commission permanente d'évaluation des programmes. Et pour cela, il ne faut pas un sprinter, mais un coureur de fond. La personnalité de Philippe Couillard, son côté analytique, méthodique et déterminé, aidera.

Il y a un dernier facteur qui pourra aider le gouvernement Couillard à atteindre ses objectifs. Les politiciens, comme les citoyens, ont souvent tendance à reporter à plus tard les décisions désagréables et à n'agir que lorsqu'ils y sont forcés, quand ils n'ont plus le choix. Le Québec est rendu là.