Depuis quelques semaines, stratèges et penseurs du Parti québécois multiplient les théories et les analyses savantes pour expliquer leur cinglante défaite du mois dernier. Effet PKP? Dérapage vers le débat référendaire? Panne de l'option? Personnalité de Pauline Marois?

Je propose de revenir à l'essentiel, en rappelant qu'il y a peut-être un facteur beaucoup plus simple, beaucoup plus basique qui, sans tout expliquer, peut nous aider à comprendre ce qui s'est passé le 7 avril. Et c'est l'emploi.

Tous les sondages d'opinion, avant et pendant la campagne, nous disaient à peu près la même chose, que la principale préoccupation des gens, c'est l'économie et plus particulièrement la création d'emplois, suivies par les finances publiques. Les questions purement politiques, comme la Charte ou l'identité, arrivaient beaucoup plus bas. Et qu'est ce que fait l'emploi au Québec? Il baisse.

Les dernières données de Statistique Canada, publiées vendredi, sont désolantes. Le Québec a perdu 32 000 emplois en avril. Les données mensuelles provinciales ont tendance à fluctuer brutalement, assez pour éviter de sauter aux conclusions avec les chiffres d'un seul mois. Mais la baisse d'avril, qui s'ajoute à d'autres baisses, indique clairement l'existence d'une tendance. Il y a 42 400 emplois de moins qu'en janvier. Il y en a 5000 de moins qu'en avril 2013.

Transposons cela en termes politiques. En octobre 2012, le mois qui a suivi l'arrivée au pouvoir du gouvernement Marois, il y avait 4 018 300 emplois au Québec. En avril 2014, le mois de son départ, il y en avait 4 015 800, soit 2500 de moins.

Et comment des citoyens traduiront-ils leur préoccupation pour l'emploi dans l'isoloir? Ils auront le réflexe de voter contre le gouvernement qui a présidé à cette baisse. C'est évidemment injuste, parce que les gouvernements ne sont pas les seuls responsables de l'évolution du marché du travail, dans un sens ou dans l'autre. Mais la règle du jeu cruelle, c'est qu'un gouvernement profite d'une bonne situation de l'emploi, même s'il n'y est pour rien, et qu'il paye quand ça va mal.

Sur le fond, quelle est la part de responsabilité du gouvernement Marois? Je n'en ai aucune idée. Mais je constate que le timing est quand même accablant. Ça allait bien quand le PQ a pris le pouvoir et ça va mal depuis ce temps-là. Mme Marois et son équipe n'ont certainement pas aidé leur cause avec leur argumentaire qui consistait, en utilisant les moyennes annuelles, à affirmer que la croissance de l'emploi était excellente.

Je ne rappelle pas tout cela par acharnement sur un parti déjà mal en point, mais il m'apparaît important, pour la suite des choses, de comprendre pourquoi l'emploi va mal au Québec et, entre autres, de pouvoir départager les causes politiques des causes économiques.

Maintenant, c'est le problème du gouvernement Couillard, et il est sérieux. Il l'est d'autant plus qu'on n'observe pas la même chose au Canada, où il y a un certain ralentissement de la création d'emplois, mais pas de baisse. S'il y avait 29 000 emplois de moins en avril au Canada, c'est à cause des 32 000 pertes de postes du Québec. Sur 12 mois, depuis avril 2013, on compte 31 000 emplois de plus en Ontario, et 154 000 gains dans le reste du Canada pendant qu'on en perdait 5000 ici.

Depuis que Philippe Couillard a formé son cabinet, toute l'attention a été portée sur les finances publiques. Mais il est clair que l'emploi sera l'autre grande priorité du premier budget du nouveau ministre des Finances, Carlos Leitao. Un combat beaucoup plus difficile parce qu'un gouvernement peut imposer une discipline aux ministères pour qu'ils réduisent leurs dépenses, mais il ne peut pas donner d'ordres à l'économie.