Si je devais proposer mon top 3 des priorités que le Québec devrait choisir pour assurer sa réussite économique, je choisirais d'abord l'éducation. Ensuite? L'éducation. Et en troisième lieu? Encore l'éducation! Un peu comme les agents d'immeubles dont on connaît le mantra: «location, location, location».

Le rôle de l'éducation dans le développement économique, la création de richesse, mais aussi le progrès social, est si central qu'il faut en faire une catégorie à part. Cela n'exclut pas les autres priorités, que ce soit l'assainissement des finances publiques ou l'autonomie énergétique. Mais l'éducation intervient à un niveau plus fondamental. C'est la clé. Si le Québec n'investit pas massivement dans son réseau d'éducation pris dans son sens large - des CPE au doctorat, en passant par la formation -, il ne parviendra pas à combler ses retards économiques.

On sait que les pays dont le niveau de vie est le plus élevé sont aussi ceux qui investissement le plus en éducation. On sait aussi que chaque dollar investi en éducation a un impact mesurable sur la croissance économique. Mais pourquoi?

D'abord, parce que cela permet de s'attaquer à des problèmes concrets, comme le choc démographique qui touche le Québec. La population active commence à baisser. Nous manquerons de travailleurs, ce qui affectera négativement la croissance.

Pour contrer cette tendance, il faut mettre à contribution le plus de gens possible au meilleur de leurs capacités. En luttant contre le décrochage scolaire, une mission éducative. Ou en faisant appel à des travailleurs plus âgés, en intégrant mieux les immigrants, et s'assurant que les chercheurs d'emplois aient les qualifications pour combler les postes disponibles. Tout cela repose largement sur l'éducation et la formation.

À un niveau plus profond, le niveau de vie relativement bas du Québec s'explique en grande partie par une productivité plus faible. Toutes les grandes stratégies d'augmentation de la productivité reposent sur trois piliers: l'investissement, l'innovation et l'éducation. Et on peut aller plus loin en disant que les deux premiers volets sont tributaires du troisième.

Les investissements dépendent de gens capables de les penser et de les mettre en oeuvre. L'innovation n'est pas possible sans chercheurs et sans gestionnaires novateurs. Les changements nécessaires pour augmenter la productivité des entreprises et des institutions doivent compter sur un personnel capable de s'adapter.

Le succès d'une société avancée comme la nôtre repose également sur tout l'appareil qui augmente la qualité de vie et qui assure une certaine harmonie sociale, un réseau d'éducation, des services de santé, une vie culturelle riche, un souci de l'environnement; des efforts qui reposent, eux aussi, sur l'éducation.

Enfin, si l'investissement en éducation est à certains égards une politique économique, c'est aussi une politique sociale. Parce que ceux qui réussissent à l'école toucheront de meilleurs salaires, seront moins frappés par le chômage et échapperont davantage à la pauvreté.

Cela étant dit, notre système d'éducation, quand on le compare, est très bon. Le problème, c'est qu'il a des trous. Le décrochage. La persistance d'une forme d'analphabétisme. L'inégalité des chances. Le taux de diplomation universitaire insuffisant. Ce sont ces problèmes qu'il faut corriger, notamment en prenant les enfants en charge dès leur plus jeune âge, en investissant massivement dans nos universités, en introduisant des pratiques d'éducation permanente.

Pour cela, il faut faire de l'éducation une priorité collective, quitte à couper ailleurs pour y parvenir. Peu de politiciens ont clairement misé sur l'éducation. Cela s'explique en partie par le fait que les Québécois n'en font pas eux-mêmes un enjeu central. Le sondage qui accompagne cette chronique montre que 20% des répondants trouvent que c'est très important. C'est bien. Mais pas assez. Cela nous rappelle que le virage devra commencer par une révolution: celle des mentalités.