Au premier abord, l'arrivée de Pierre Karl Péladeau dans l'équipe péquiste peut sembler être un très bon coup pour le PQ. Je n'en suis pas sûr. Il est vrai que le recrutement de ce candidat-vedette a fait du bruit et qu'il a permis à la première ministre de gagner la journée de dimanche dans la bataille médiatique.

Mais en recrutant le propriétaire d'un empire médiatique et économique, la question des conflits d'intérêts allait se poser. Pourtant, Pauline Marois et PKP étaient étonnamment mal préparés pour ce débat inévitable. Cette question, depuis deux jours, pousse Mme Marois sur la défensive; elle est devenue un boulet qui éclipse la qualité de la candidature. Et ce n'est pas fini.

Pour éviter le risque de conflits d'intérêts, la réponse de Mme Marois et de son candidat est qu'il confie, comme le veut la pratique, ses actions de Québecor à une fiducie sans droit de regard. Ainsi, il n'aurait plus un mot à dire sur la gestion de son entreprise, quoiqu'il ait déjà interdit au fiduciaire de vendre des actions de Québecor. Comme il restera actionnaire de contrôle de l'entreprise, tout ce qui la favorise le favorisera lui aussi quand il récupérera ses actions au terme de sa vie politique.

Pour éviter ce second problème, il faudrait que M. Péladeau se retire des discussions, par exemple au conseil des ministres, qui pourraient affecter le groupe dont il a le contrôle. Contrairement aux navires de Paul Martin, que l'on cite souvent en exemple, Québecor est un groupe extrêmement diversifié - téléphonie, câble, édition, spectacles, production télé, commerce de détail, sport professionnel et, évidemment, les médias. En outre, un important bloc d'actions de Québecor Média est détenu par la Caisse de dépôt. Il y a tellement de dossiers où un conflit serait possible qu'il faudrait installer des portes battantes à la salle du conseil des ministres!

Enfin, il faut tenir compte du fait que Québecor est d'abord un empire médiatique. Cela soulève non seulement des problèmes de conflits d'intérêts, mais de possibles jeux d'influence qui peuvent pervertir la démocratie. Le code que gère le Commissaire à l'éthique et à la déontologie n'est pas adapté pour traiter de ces jeux indirects et souterrains.

Par contre, la demande des libéraux et des caquistes à l'effet que M. Péladeau vende ses actions n'est pas réaliste. Rappelons que c'est ce que Mme Marois, que les contradictions ne gênent pas, avait réclamé du libéral David Whissell, actionnaire d'une entreprise d'asphaltage. On peut toutefois comprendre que M. Péladeau refuse de sacrifier son oeuvre et de compromettre l'intégrité du groupe qu'il a développé.

Alors, quelle est la solution? Dans une démocratie avancée, quand on dirige un empire de ce genre, et qu'on ne veut pas y renoncer, on ne devrait pas faire le saut en politique. Il y a des activités qui sont incompatibles avec la fonction de ministre.

On le voit déjà. Si l'arrivée de PKP permet au PQ de gagner des points, par exemple à Québec ou dans le 450, on peut déjà se demander quel poste ministériel celui-ci pourrait occuper sans créer des crises idéologiques ou sans susciter des craintes de conflits d'intérêts.

En fait, il est assez évident que l'arrivée de M. Péladeau est moins utile pour renforcer l'équipe ministérielle que pour la promotion de la souveraineté, entre autres pour rassurer les Québécois sur les risques économiques de l'indépendance.

C'est d'ailleurs de souveraineté dont parlait M. Péladeau dans La Presse d'hier, où il évoquait le rôle qu'il pourrait jouer pour négocier avec le Canada après un référendum gagnant. Quand on sait l'extrême prudence avec laquelle Mme Marois traite du thème référendaire, on peut dire que PKP, au jour trois de sa nomination, a déjà mis sa chef dans l'embarras.