C'est un euphémisme de dire que le budget 2014 du ministre fédéral des Finances Jim Flaherty n'est pas flamboyant. Son discours est court, onze petites pages à double interligne. Assez court, diraient les mauvaises langues, pour ne pas indisposer les Canadiens plus intéressés par Sotchi.

Ce budget ne contient aucune annonce majeure, aucune surprise, aucune distribution de bonbons. Le ministre voit même comme un compliment le fait qu'on dise que son budget est ennuyant, parce qu'il a appliqué un principe très simple, dont devrait s'inspirer son collège québécois Nicolas Marceau.

Quand on n'a pas d'argent, on ne le dépense pas. Comme le principal défi d'un ministre des Finances, de nos jours, est d'éliminer le déficit, ce n'est pas le moment de multiplier les cadeaux.

On trouve bien sûr une foule de petites choses dans ce budget, mais ce sont des grenailles, sans incidence financière significative, qui ne devraient même pas figurer dans un budget, par exemple 3 millions pour un service en ligne pour les anciens combattants, un autre 3 millions pour augmenter le nombre de juges ou 1,5 million par année pour créer un répertoire génétique des personnes disparues.

Il y a un autre principe derrière ce budget, qui se résume par un adage plus connu dans la langue du ministre, «If it ain't broke, don't fix it». Le plan de sortie de crise du gouvernement Harper, qu'il a dû adopter à son corps défendant quand il était minoritaire, a relativement bien fonctionné, si on le compare aux autres grandes économies. Sa stratégie de retour à l'équilibre budgétaire est également sur la bonne voie.

Dans la logique de ce gouvernement peu interventionniste, il n'y a pas de raison de changer de plan de match. Le document déposé hier par M. Flaherty n'est donc pas un vrai budget, mais plutôt un rapport d'étape, un nouveau chapitre de son «Plan d'action économique».

Au plan financier, le gouvernement Harper respectera ses objectifs. Le déficit s'établira à 2,9 milliards pour l'année qui commence, 2014-2015, et il se transformera en surplus de 6,4 milliards l'année suivante. Ce succès tient moins à l'explosion des revenus qu'à un contrôle très serré des dépenses. Ottawa ne se borne pas à ralentir la croissance des dépenses, il les baisse pour vrai. Pas sur le dos des provinces, mais en coupant dans ses propres programmes.

Cet exercice, brutal, est sans doute plus facile pour les conservateurs qui ne sont pas attachés aux programmes qu'ils sacrifient et qui ne risquent pas de subir les foudres de leur base électorale.

Pendant des années, ce gouvernement, peu porté sur les grands concepts, n'a pas proposé de stratégie économique, sinon les baisses d'impôt. L'an dernier, M. Flaherty, à son neuvième budget, a découvert sur le tard l'existence des problèmes structurels de l'économie canadienne, notamment sa faible productivité. Il a commencé à s'y attaquer, en visant les bonnes cibles - des mesures sur la recherche, l'innovation et le développement de la main d'oeuvre, notamment la Subvention canadienne pour l'emploi, pour laquelle il faut toujours une entente avec les provinces.

Le dixième budget poursuit sur cette lancée, avec une réflexion intéressante sur l'emploi et le marché du travail face aux pressions du vieillissement, de la concurrence internationale, de l'économie du savoir. Il ne cherche pas à créer des emplois, mais davantage à préparer la main d'oeuvre à combler les besoins - système d'apprentis, éducation, formation, intégration des clientèles plus vulnérables. C'est la bonne approche, certainement plus prometteuse que des subventions à une cimenterie.

Pour le vrai budget, celui qui ne sera pas ennuyant, il faudra attendre l'an prochain, quand le gouvernement Harper décidera, à la veille des élections, ce qu'il fera de ses surplus.