Onze personnalités du monde politique et économique, dont l'ancien premier ministre péquiste Bernard Landry et l'ancienne ministre des Finances libérale Monique Jérôme-Forget, ont publié plus tôt cette semaine un court manifeste qui plaide pour que le Québec s'engage dans l'exploration de son potentiel pétrolier et éventuellement dans son exploitation.

Ils étaient onze. Mais ils auraient pu être beaucoup plus. J'aurais par exemple signé un tel texte sans hésiter. Quoique j'aurais eu un petit pincement de coeur. C'est désolant d'avoir à prendre la plume pour énoncer ce qui devrait être une évidence, pour plaider en faveur du simple bon sens. Dans un monde normal, ce manifeste serait inutile.

Une société qui disposerait de ressources pétrolières et qui refuserait de les exploiter serait très certainement une anomalie, du moins sur cette planète. Mais le Québec a parfois quelque chose de martien.

Aucun pays, à ma connaissance, après avoir mis dans la balance les avantages et les inconvénients, n'a dit non au pétrole. C'est une grande source de prospérité pour ceux que le hasard de la géologie a dotés de ressources pétrolières. Il est évident que s'il y en a vraiment au Québec, et qu'on accepte de l'exploiter, cela créera des emplois, augmentera le niveau de vie et fournira à l'État d'importants revenus fiscaux.

Pourquoi alors ce débat au Québec? Le traumatisme de la crise du gaz de schiste. Une indifférence face aux questions économiques, qui fait qu'on veut le beurre et l'argent du beurre sans avoir à commencer par traire des vaches. Mais aussi l'influence du discours environnementaliste dans le débat public, sans rapport avec son poids réel dans la société.

L'argument principal des groupes écologistes est spécieux. Pourquoi produire du pétrole si notre objectif collectif est de réduire notre dépendance envers ce pétrole, ont-ils proclamé sur toutes les tribunes que les médias leur ont généreusement fournies? On peut marcher et mâcher de la gomme en même temps. On sait que la disparition du pétrole n'est pas pour demain et il semble plus que raisonnable d'utiliser le nôtre plutôt que celui qui nous vient d'outre-mer.

La bataille des écolos ressemble plus à une croisade idéologique pour défendre un principe qu'à un projet de société: parce qu'on est contre le pétrole, on est contre tout ce qui touche le pétrole. Cela mène à toutes sortes d'acrobaties. Steven Guilbeault, d'Équiterre, qui dit douter du fait que l'exploitation pétrolière puisse être une source de richesse. Québec solidaire qui voudrait que le Québec se passer de pétrole tout en militant pour une multiplication des programmes sociaux.

Ces pressions rendent la tâche difficile pour les gouvernements. Encore plus pour le gouvernement Marois, dont plusieurs initiatives, en commençant par la nomination de Martine Ouellet comme ministre de l'Énergie, visaient justement à séduire cette mouvance environnementaliste.

Cela explique le malaise palpable de Mme Ouellet qui, quand on décode ses propos, réitère la position de son gouvernement - un appui au principe de l'éventuelle exploitation du pétrole -, mais qui la noie dans tant de circonvolutions qu'on a peine à trouver un message clair.

On s'attend à ce que le gouvernement encadre cette activité, pour limiter les risques, pour maintenir nos objectifs d'émission de GES. Mais le gouvernement ne peut pas seulement mettre des bâtons dans les roues, il doit aussi pousser à la roue pour que les choses se fassent, à commencer par connaître notre véritable potentiel pétrolier, ce que nous ignorons toujours.

Mais pour que cela se produise, il faut un gouvernement, quelle que soit sa couleur, qui bouge, qui agit, qui veut, qui exerce un leadership et qui soit animé par une volonté politique. C'est certainement ce que voulait encourager ce manifeste.