L'Institut de la Statistique du Québec avait un petit cadeau de Noël pour les Québécois, en publiant lundi des données qui arrivaient juste à temps pour la frénésie du magasinage des Fêtes.

Pour 2012, le revenu disponible des ménages par habitant s'élevait à 26 347$ au Québec, assez loin derrière la moyenne canadienne de 29 907$. Et il n'y a aucune forme de rattrapage, bien au contraire. En 2007, l'écart de revenu entre le Québec et le reste du Canada était de 12,5%. En 2012, il atteignait 15%.

Les Québécois sont au neuvième rang canadien, derrière toutes les provinces, sauf la minuscule Île-du-Prince-Édouard. Et derrière les trois territoires.

Le revenu disponible des ménages englobe tous les revenus perçus par les ménages, y compris les transferts provenant des gouvernements, comme l'aide sociale, dont on soustrait les impôts et les cotisations versés aux gouvernements. C'est le revenu dont les ménages disposent pour consommer ou pour épargner, l'argent qui est vraiment dans leurs poches. Il décrit mieux leur situation financière que le produit intérieur brut (PIB) par habitant, une mesure globale dont plusieurs éléments reflètent davantage la prospérité d'une économie que celle de ses citoyens.

Voici les chiffres. Alberta, 38 761$, Saskatchewan, 31 363$, Colombie-Britannique, 30 474$, Terre-Neuve, 30 461$, Ontario, 29 745$, Nouvelle-Écosse, 27 063$, Manitoba, 26 995$, Nouveau-Brunswick, 26 793$, Québec, 26 347$, Île-du-Prince-Édouard, 26 115$. Bref, les Québécois ont moins d'argent que les autres Canadiens, un petit rappel pas inutile au mois de décembre.

On pourra m'accuser de radoter quand je sors des chiffres comme ceux-là. Mais ces données ont de quoi inquiéter. Est-il normal que le Québec, avec ses richesses, son talent, ses industries de pointe, ses villes, sa culture, ne réussisse pas à traduire cela en ressources financières pour ses citoyens? Est-il normal que les Québécois soient plus pauvres que les gens du Nouveau-Brunswick? De la Nouvelle-Écosse? Du Manitoba?

C'est tout à fait anormal. Et il m'apparaît important d'en parler, d'en reparler, et d'en parler encore tant qu'on ne fera pas une prise de conscience collective et qu'on n'aura pas pris les moyens pour renverser la tendance. Parce qu'il y a une tendance. Vers le bas. Sur les cinq ans de la période 2007-2012, la croissance des revenus des ménages, en termes réels, a été de 5,3% au Québec et de 8,0% dans le reste du Canada.

En 2007, le Québec était au 7e rang. Il s'est fait doubler par Terre-Neuve en 2009 et passait ainsi au 8e rang. En 2010, il s'est ensuite fait dépasser par le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, pour se retrouver au dernier rang. Les optimistes pourront se réjouir en se disant que, depuis, le Québec a réussi à devancer à nouveau la patrie d'Anne aux pignons verts.

Comment expliquer ce glissement? Une partie, mais une partie seulement de l'écart tient à la ponction fiscale qui est plus forte au Québec que partout ailleurs. Mais sans ce facteur, le Québec se retrouverait quand même au 8e rang. La richesse provenant des ressources et du pétrole joue aussi, en propulsant les provinces de l'Ouest et en commençant à améliorer le sort de provinces qui partageaient le peloton de queue avec nous, comme Terre-Neuve et, dans une moindre mesure, la Nouvelle-Écosse.

Il n'y a pas que le pétrole. Il y a l'anémie chronique de l'économie québécoise, le niveau insuffisant de l'investissement, sa fibre entrepreneuriale trop molle, et de façon générale, la difficulté de traduire les ressources en richesse. Mais aucune stratégie ne permettra de corriger le tir si on ne s'affranchit pas des réflexes de déni et qu'on arrête de tout faire pour se convaincre que tout va pour le mieux dans le royaume du Québec.