Comment se fait-il que le gouvernement fédéral, pourtant très conservateur, attendra encore deux ans avant d'effacer complètement son déficit, tandis que le gouvernement du Québec, plus à gauche, s'est imposé l'obligation, avec tout ce que cela impliquait de sacrifices, de l'éliminer dès cette année?

La question se pose parce qu'il est devenu clair que le gouvernement Marois sera incapable d'arriver au déficit zéro en 2013-1014, comme il s'y était engagé très formellement dans son budget de novembre dernier.

L'exemple du gouvernement canadien, qui vise le déficit zéro en 2015-2016, ou celui de l'Ontario, qui songe même à reporter sa cible de 2017-2018, pourraient devenir des arguments utiles pour le ministre des Finances Nicolas Marceau.

Il aura en effet besoin de bons arguments pour faire approuver par l'Assemblée nationale une modification de la loi sur l'équilibre budgétaire et pour affronter la CAQ, qui promet de voter contre son prochain budget s'il est déficitaire.

La comparaison avec le gouvernement fédéral a cependant ses limites. Au plan théorique, il est hautement souhaitable d'éviter des déficits, parce qu'ils gonflent la dette, refilée aux générations futures, et que les intérêts alourdissent les dépenses courantes. Mais aucune loi ne nous dit à quelle vitesse il faut les éliminer, surtout s'ils ont été engendrés par une grave récession.

En principe, plus un gouvernement est en mauvaise posture financière, plus il doit se dépêcher. Cela justifierait que Québec aille plus vite qu'Ottawa. Par contre, plus l'économie est fragile, plus il faut faire preuve de doigté, pour éviter que l'austérité ne compromette la reprise, ce qui donnerait un argument à Québec pour prendre son temps.

Il faut aussi regarder comment réagiront les marchés financiers, qui prêtent et qui décernent les cotes. Ce ne sont pas des gardiens de la rectitude budgétaire, mais plutôt des gestionnaires de risque. Ils cherchent surtout à évaluer la possibilité qu'un gouvernement soit éventuellement incapable de s'acquitter de ses obligations financières, parce que son économie va mal ou qu'il a perdu le contrôle de ses finances publiques.

Le ministre Flaherty peut choisir le rythme qui lui plait, parce que personne ne doute de la richesse de l'économie canadienne ou de la capacité d'Ottawa de contrôler ses dépenses. On l'a vu, lundi, avec sa Mise à jour des projections économiques et budgétaires. Malgré le ralentissement, l'argent entre toujours dans ses coffres, ses mesures de contrôle des dépenses fonctionnent, tant et si bien qu'en 2015-2016, il ne nous annonce pas un déficit zéro, mais plutôt un surplus de 3,7 milliards.

À Québec, c'est une tout autre histoire. En partant, le gouvernement péquiste n'avait aucune marge de manoeuvre. Il devait prendre à son compte la cible libérale pour ne pas être qualifié d'irresponsable, et rassurer des marchés moins indulgents à son égard. Il était entravé par sa situation minoritaire. Il s'est donc lancé dans une lutte au déficit assez échevelée, avec des coupures très arbitraires, et probablement pas durables, comme quelqu'un qui jeûne pour maigrir au lieu de suivre un régime équilibré. Et le ralentissement économique a plombé ses revenus.

Mais le gouvernement Marois a choisi la pire stratégie. S'il avait rapidement reporté l'élimination du déficit, il s'en tirerait mieux. La question se posait déjà en avril dernier. Mais il a continué à foncer, pour ensuite tergiverser et finalement reculer. Ce n'est pas un choix réfléchi, mais un aveu d'échec.

On peut imaginer le cas d'un gouvernement qui serait capable d'éliminer son déficit et qui choisit de ne pas le faire. Nous sommes plutôt en présence d'un gouvernement qui a essayé de l'éliminer, mais qui n'en a pas été capable. C'est pire. Parce que nous ne sommes pas dans le sport amateur où l'important, c'est de participer.