Le Québec a perdu 50 200 emplois en sept mois. Et le gouvernement Marois annonce maintenant en grande pompe une stratégie économique qui coûtera 2 milliards pour en recréer 43 000 d'ici 2017.

Cette façon de résumer «Priorité emploi», la stratégie présentée hier par la première ministre Pauline Marois et son ministre des Finances Nicolas Marceau, n'est même pas caricaturale. L'ombre de la dégradation du marché du travail, dont le gouvernement nie pourtant l'existence, plane en effet sur cette stratégie. Dans le document, on ne parle pas de ces pertes d'emploi, mais elles sont comme un éléphant dans la pièce, car pourquoi vouloir créer des emplois à toute vitesse et à grand prix sinon parce qu'il y a un problème?

Ce que cette stratégie dégage, c'est la panique. Elle est d'abord de nature économique. Un plan pour créer des emplois à court terme, ça ressemble étrangement aux stratégies d'urgence que les gouvernements déploient pour stimuler l'économie quand frappe une récession.

La panique est également de nature politique. L'économie est le talon d'Achille du gouvernement Marois. Son absence d'autorité en la matière devient un véritable boulet parce que l'économie se détériore au moment où l'on s'approche d'une campagne électorale. La stratégie ressemble donc beaucoup à une plate-forme électorale, par son thème vendeur, l'emploi, et par le choix de mesures qui permettront une ribambelle d'annonces, comme la rénovation d'écoles.

La philosophie même de la stratégie, qui consiste à faire de l'emploi une «obsession», comme le dit Mme Marois, est électorale. C'est un thème des années 70 et 80. L'enjeu n'est plus là, parce que la population active baisse et qu'on souffre moins du manque d'emplois que du manque d'employés qualifiés. Ce qui devrait davantage retenir l'attention du gouvernement, ce sont d'abord et avant tout les déterminants du succès économique: l'investissement, la productivité, l'adéquation de la main-d'oeuvre.

L'approche emploi mène aussi à insister sur le court terme et à favoriser des expédients. Les mesures proposées, baptisées pompeusement «mesures phares» - rabais d'électricité pour attirer des investissements, accélération des travaux publics, investissements publics dans le Nord, congés fiscaux et subventions à la rénovation - sont classiques et banales.

Il y a un toutefois un élément positif dans cette stratégie, et c'est l'effort pour créer un cadre qui intègrerait les différents volets de l'action économique du gouvernement: politique de recherche, politique industrielle, politique d'exportation.

Mais le foisonnement des initiatives, des places de camping aux éoliennes en passant par un projet de monorail, l'insistance sur les «mesures phares» de court terme, relèguent à l'arrière-plan les éléments plus structurants - comme la performance des entreprises, la productivité, l'entreprenariat, l'innovation ou l'adéquation de la main d'oeuvre - sur lesquels on en sait d'ailleurs trop peu.

Cette stratégie repose enfin sur un grand paradoxe. Le ministre des Finances avait très justement insisté, dans son budget de novembre dernier, sur l'importance de stimuler l'investissement privé. Mais si celui-ci stagne, c'est beaucoup parce que le gouvernement Marois a contribué à le décourager - offensive en règle contre l'industrie minière, hostilité palpable à l'égard de plusieurs projets, attaque contre deux formes de fiscalité liées à l'investissement, le traitement des dividendes et des gains de capital. On annonce maintenant

2 milliards pour réparer les dégâts, comme si la main droite ramassait les pots cassés par la main gauche.

Cette stratégie économique est, à plusieurs égards, à l'image du gouvernement Marois. Elle repose sur l'intervention massive de l'État. Elle a été lancée sans les études préalables nécessaires, un bilan de l'économie pour justifier l'intervention, et un bilan des finances publiques pour savoir comment on la financera. Et surtout, elle trahit une prédilection pour les chiffres qui frappent l'imagination, les formules et les slogans.