Pendant que notre gouvernement se lançait dans la chasse aux voiles et autres kippas, Statistique Canada révélait qu'il s'est perdu 5000 emplois en août au Québec, une baisse modeste, mais qui s'ajoute à une chute de 30 400 emplois en juillet. En tout, on compte 50 900 emplois de moins qu'en début d'année.

La baisse est assez significative pour qu'on s'en inquiète. Ce sont des faits vérifiables, des données incontestables de l'Enquête sur la population active.

Il y a ensuite l'interprétation que l'on peut donner à ces faits. Est-ce une mauvaise passe passagère? Quelle en est la cause? Et c'est là qu'entre en jeu le débat partisan. Libéraux et caquistes se sont empressés de conclure que le gouvernement Marois était responsable. C'est rapide.

Le gouvernement Marois a pris de déplorables décisions économiques, notamment sa croisade destructive contre l'industrie minière. Mais il est encore difficile d'établir une relation de cause à effet avec ce qui arrive à l'emploi. Parce que les emplois ne dépendent pas que de l'État. Que les effets des politiques publiques se manifestent souvent à plus long terme. Que le gouvernement Marois gère une économie encore tributaire de ce qui s'est passé avant son arrivée au pouvoir.

Pour répondre à ces attaques partisanes, le gouvernement péquiste a lui aussi adopté le mode partisan, mais en choisissant la pire parade imaginable, le déni. Le ministre des Finances, M. Nicolas Marceau, a rétorqué que «le Québec fait mieux que le Canada».

«Depuis le début de l'année, la croissance de l'emploi au Québec (1,6%) est semblable à celle des États-Unis et supérieure à celle de l'Ontario (1,5%) et du Canada (1,4%)», a-t-il affirmé dans un communiqué indigne de sa fonction, car un ministre des Finances, qui a un rôle de fiduciaire, a le devoir de donner l'heure juste.

Il y a bien sûr une foule de façons de mesurer l'état du marché du travail. Et dans un débat partisan, chacun choisira les chiffres qui l'arrangent. Aucune méthode n'est parfaite. Tout dépend du contexte.

Le gouvernement a choisi de comparer la moyenne de l'emploi pour les sept premiers mois de cette année à la moyenne de la même période de 2012. Ça donne un gain moyen de 65 200 emplois sur un an, ce qui permet une comparaison avantageuse avec le Canada.

La méthode est techniquement correcte, mais dans ce cas-ci, elle ne donne pas l'heure juste, parce que ce gain d'emplois sur un an ne s'explique pas par le dynamisme actuel de l'économie, mais parce qu'on se compare au début de l'année dernière quand le niveau d'emploi était très bas. L'emploi a en effet évolué en montagnes russes au Québec. Il s'est perdu 63 800 emplois entre mai et décembre 2011 - sous le règne libéral - une baisse suivie d'une solide remontée de 140 900 emplois en 2012, surtout en deuxième moitié d'année.

Ce à quoi on assiste maintenant, c'est à un nouveau cycle de baisse: depuis janvier, cinq baisses mensuelles de l'emploi et seulement deux hausses mensuelles. Cela indique la présence d'un «pattern» difficile à nier. D'autant plus que, depuis janvier, pendant que le Québec perdait 50 900 emplois, l'Ontario en gagnait 97 000 et les neuf autres provinces, 175 000. Dans un tel contexte, dire que le Québec fait mieux que le Canada est une injure à l'intelligence.

L'enjeu, ce n'est pas de savoir à qui c'est la faute, mais de savoir ce qu'il faut faire pour enrayer l'érosion. En niant les faits, le gouvernement Marois envoie surtout le message qu'il ne prend pas les choses en main. Et qu'il est plus intéressé à la longueur des crucifix qu'à la santé de l'économie.