S'il y a eu une grève dans la construction, c'était essentiellement parce que les employeurs ont voulu changer les règles du jeu pour réduire les coûts de main-d'oeuvre, par exemple le calcul du temps supplémentaire ou la reprise des jours perdus en raison du mauvais temps. Des changements auxquels s'opposaient les centrales syndicales.

Quand le gouvernement Marois, avec sa loi spéciale pour mettre fin au conflit qui se prolongeait dans le secteur industriel et commercial, a voulu prolonger la convention collective actuelle pour une période de quatre ans, il proposait du même coup un statu quo qui favorisait la partie syndicale. L'opposition libérale et caquiste, en forçant plutôt le gouvernement à n'imposer qu'une trêve d'un an, a en fait obligé les parties à reprendre les négociations, ce qui va dans le sens des voeux patronaux.

Mais les salaires sont-ils trop élevés dans la construction? Tout indique que oui. Du même souffle, il faut cependant dire qu'il y a eu de notables progrès depuis une décennie, tant dans la réduction des coûts relatifs de main-d'oeuvre que dans les gains de productivité.

En 2011, le salaire hebdomadaire dans la construction s'élevait à 958,29$ au Québec, un peu moins qu'en Ontario, 978,97$, et que dans l'ensemble canadien, 1005,91$. C'est donc moins cher au Québec.

Toutefois, dans ce genre de comparaison interprovinciale, il faut aussi tenir compte du contexte. Parce que l'économie est moins forte, il est normal que les revenus soient plus bas au Québec. Il y avait, en 2011, un écart de 12,6% entre le salaire hebdomadaire moyen au Québec et celui de l'Ontario. Et de 9,6% avec le Canada.

Mais dans la construction, l'écart est beaucoup plus faible, moins d'un pour cent avec l'Ontario, 4,7% avec le Canada. Cela signifie qu'en fonction de notre capacité de payer, les salaires dans la construction sont trop élevés au Québec.

On peut exprimer la même chose d'une autre façon. La rémunération d'un travailleur de la construction québécois dépasse de 26% celui des autres travailleurs. En Ontario, l'écart est de 12,6%. Au Canada, de 19,7%. Un travailleur québécois de la construction dispose donc d'un avantage plus important qu'ailleurs.

Mais cet écart se réduit. Une étude du Centre sur la productivité et la prospérité des HEC, signée par Jonathan Deslauriers et Robert Gagné, montrait l'an dernier que la croissance des salaires dans la construction a été moins marquée au Québec qu'ailleurs entre 2000 et 2010, et surtout que la productivité de l'industrie québécoise a augmenté de 8,39% quand elle a diminué ailleurs. Tant et si bien que le produit intérieur brut par heure travaillée, 33,6$ au Québec, dépasse celui de l'Ontario, 28,1$, et du Canada, 27,6$.

Mais les facteurs à l'origine de ces gains de productivité ne sont peut-être pas durables. Les auteurs de l'étude pensent, entre autres que, parce que les salaires étaient carrément plus élevés au Québec qu'ailleurs en 2000, l'industrie a déployé des efforts pour réduire le temps de travail. On peut se demander, maintenant qu'un rattrapage a été fait, si le processus de hausse de la productivité va se poursuivre.

Les colossaux travaux d'infrastructure au Québec ont également pu jouer. Les investissements en construction ont doublé entre 2002 et 2011, de 23,4 à 46,6 milliards, et la nature des travaux a changé, ce qui a pu avoir un effet sur la productivité. Ce facteur s'estompera avec la baisse des investissements. Enfin, il est aussi possible que le travail au noir, omniprésent au Québec, en réduisant le nombre d'heures déclarées, gonfle les statistiques sur la productivité.

Il y a donc de la place pour de l'amélioration et pour justifier des efforts visant à réduire la rigidité des règles qui encadrent cette industrie.