Rarement aura-t-on vu un dossier aussi rondement mené. En janvier dernier, la première ministre Pauline Marois confiait à Pierre Bourgie la présidence d'un groupe de travail dont le mandat était de se pencher sur la philanthropie culturelle, de voir pourquoi les Québécois donnent moins à la culture et de trouver des pistes pour favoriser le mécénat.

Le groupe a remis son rapport la semaine dernière, où il propose un train de mesures, notamment des incitatifs fiscaux pour augmenter les dons, qui coûteraient une quinzaine de millions par année au trésor public. Le jour même, la première ministre disait trouver le montant raisonnable et s'engageait à ce que ce rapport ait des suites. Bravo.

Avec les incitatifs fiscaux et les autres mesures qu'il propose, le groupe de travail estime qu'il est possible d'augmenter les dons culturels de 50% - de 45 à 68 millions - assez rapidement, sur une période de quatre ans. Mais il faudra aussi un travail beaucoup plus lent, plus en profondeur, pour modifier les attitudes des Québécois et leur rapport avec la culture.

On sait en effet depuis longtemps que les Québécois donnent peu, si on les compare au reste du Canada. Le don moyen au Québec était de 208$ en 2010, au dernier rang, loin derrière la moyenne canadienne de 446$. Il y a à cela de multiples explications, dont la plus évidente est la fiscalité plus élevée et la présence plus forte de l'État qui amène les Québécois à croire davantage que les autres Canadiens que les objectifs collectifs doivent être atteints à travers le gouvernement plutôt que par l'implication individuelle.

Mais il y a un autre élément. Dans l'ensemble de leurs dons, les Québécois réservent une place très faible à la culture, à peine 3% du total, le gros allant à la santé et aux missions sociales. Et c'est étonnant pour une société où la culture est censée jouer un rôle important pour nourrir la fierté et pour définir l'identité.

Et c'est ainsi que les recommandations du comité se font à deux niveaux. D'abord des incitatifs fiscaux très ciblés, pour favoriser les premiers dons et donc développer une pratique de la philanthropie, et pour favoriser les dons importants, ceux qui dépassent 250 000$.

Mais la plupart des autres propositions n'ont rien de fiscal et elles cherchent bien davantage à créer une culture de la culture, pour qu'elle fasse davantage partie de notre environnement et que l'on développe ainsi un terreau fertile pour la philanthropie. Le rapport parle donc d'ateliers d'artistes, d'art public, de la place de l'art dans la construction, de promotion de l'architecture même.

Le rapport souhaite aussi, dans le même esprit, que l'on mette davantage les jeunes en contact avec la culture - sorties culturelles, rabais dans les musées, et même l'introduction d'un cours d'histoire de l'art au secondaire -, des propositions qui, a priori, pourraient sembler assez loin des préoccupations de gens d'affaires, majoritaires dans ce groupe de travail, comme son président, Pierre Bourgie, un modèle inspirant pour le mécénat, la PDG de Gaz Métro, Sylvie Brochu, Jacques Parisien d'Astral ou Peter Simons, patron de la Maison Simons.

Mais le monde change. La conviction des membres de ce comité, c'est que la culture joue un rôle central dans le développement de la société québécoise, parce qu'elle façonne et renforce l'identité, qu'elle nourrit le progrès social, mais aussi le progrès économique. C'est une conception qui se développe dans le monde économique, par exemple le Forum Arts-Affaires de Montréal, présidé par Alexandre Taillefer, qui réunit une brochette de leaders montréalais.

Cela permet de croire que le passage à la prospérité du Québec des dernières décennies commence, enfin, avec retard, à s'accompagner d'une culture du mécénat.