Les histoires d'accommodements raisonnables commencent presque toujours par de banals incidents de la vie quotidienne. Quand ils dérapent, c'est surtout parce que les gens sont laissés à eux-mêmes, sans balises. C'est encore une fois ce qui s'est produit dans le cas du turban sikh. On n'en serait pas là s'il y avait plus de leadership et moins de lâcheté politique.

Pourtant, le cas était simple. L'interdiction par la Fédération québécoise de soccer du port du turban par de jeunes garçons sikhs était indéfendable. Contrairement au voile islamique, un symbole lourd, il n'y avait là aucun grand enjeu sociétal. Les arguments de la FQS sur la sécurité étaient risibles. Et leurs arguments d'autorité, en invoquant les règles de la FIFA, ne tenaient pas la route, puisque la FQS est membre de l'Association canadienne de soccer qui, elle, autorise déjà le port du turban.

Ce qui reste, c'est une réaction épidermique des arbitres de la FQS, agacés par les turbans. Une attitude plus fréquente au Québec qu'ailleurs au Canada, par réflexe identitaire ou par méfiance à l'égard de toute forme d'accommodement religieux.

Ce genre de situation peut se gérer. Le Québec s'était donné un outil, avec la commission Bouchard-Taylor, dont le rapport proposait des pistes utiles. Entre autres d'interdire le port de symboles religieux pour ceux qui incarnent l'autorité de l'État, mais de faire preuve de souplesse dans les autres cas. Avec ces balises, la Fédération aurait dû accepter un accommodement.

Mais on a mis ce rapport au rancart. Parce que Jean Charest, qui avait lancé cette commission, n'est pas allé au bout de la démarche, par lâcheté politique, par peur d'agir dans un dossier qui divise et qui enflamme. Cette lâcheté, on la retrouve aussi chez Pauline Marois, mais elle est d'une autre nature.

Le gouvernement péquiste est paralysé, en tentant de jouer sur deux tableaux à la fois, de plaire à la fois aux tenants d'une laïcité républicaine à la française - une assez mauvaise idée quand on voit le désastreux bilan de l'intégration en France - mais aussi de séduire les partisans d'un ethnocentrisme rural, comme l'ADQ l'avait fait avec succès.

Résultat, le gouvernement Marois a choisi de ne pas s'en mêler, de laisser la FQS maître de ses choix, même si la décision de la fédération, par ses répercussions, se trouvait à impliquer le Québec tout entier. François Legault n'a pas fait mieux. Seul le libéral Jean-Marc Fournier a suggéré à la FQS de faire preuve de plus de souplesse.

Mais la neutralité du gouvernement n'a pas été de longue durée, Mme Marois s'est enflammée quand l'Association canadienne a suspendu la fédération québécoise tant qu'elle ne reviendrait pas sur sa décision, au nom de l'autonomie de l'organisme, donnant au dossier un petit parfum de lutte indépendantiste. Par son indignation, elle s'est retrouvée à appuyer la FQS. Au moins, on sait où elle loge. Du mauvais côté. Du côté d'Hérouxville.

Ce qui est terrible dans ces débats, c'est qu'on pénalise des enfants. La FQS a puni des jeunes sikhs avec sa décision stupide, en oubliant que la force du soccer, c'est d'être un sport démocratique et universel capable d'intégrer, capable d'amener des jeunes à pratiquer un sport. L'Association canadienne a aussi puni des jeunes Québécois avec sa suspension.

Mais la perle, dans ce débat, c'est la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, Marie Malavoy, qui l'a prononcée. Indignée par la suspension de la FQS, elle s'est exclamée: «Ce sont les jeunes qui risquent d'en souffrir». C'est une phrase qu'elle aurait aussi dû prononcer quand la fédération a exclu les jeunes sikhs. À moins, que dans son Québec, il y ait deux sortes de jeunes.