La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a déposé mercredi son projet de loi sur les mines. Il contient plusieurs mesures qui encadreront davantage le développement minier, comme des dispositions pour permettre aux villes d'avoir leur mot à dire, ou l'obligation de soumettre les nouveaux projets à un examen du BAPE.

C'est un passage obligé pour rétablir un lien de confiance entre la société québécoise et le monde minier. Mais il y un élément de ce projet de loi 43 qui m'inquiète: les mesures pour contraindre les sociétés qui veulent investir dans un projet minier à faire plus de transformation au Québec.

Au premier abord, cela semble plein de bon sens. Qui peut être contre la transformation? Mais en fait, c'est une mauvaise solution à un problème mal posé qui s'inscrit dans une conception dépassée du développement économique.

Les sociétés minières devront faire une étude de faisabilité sur les possibilités de transformation au Québec. Et si le gouvernement n'est pas satisfait des conclusions de l'exercice, il pourra refuser de délivrer des permis pour le développement du projet minier.

On ne connait pas la portée réelle de cette disposition. Est-ce une mesure de nature symbolique dont le gouvernement Marois avait besoin pour donner un caractère distinctif à un projet de loi assez semblable à celui des libéraux? Est-ce un outil de négociation qu'on se réserve au cas où? Ou est-ce une réelle intention politique qui guidera l'action gouvernementale? Dans tous les cas de figure, on nage dans le flou, parce que ce pouvoir ministériel sera exercé au cas par cas, selon des critères que l'on ne connait pas.

Avec cette politique, le gouvernement Marois renoue avec les traditions des gouvernements du PQ, résolument dirigistes et obsédés par la transformation des ressources naturelles. Pas étonnant que François Legault appuie cet élément du projet, lui qui est issu de cette culture volontariste.

Est-ce qu'un ministère est bien placé pour dicter leurs stratégies aux sociétés minières? Si une activité économique revêt de l'intérêt, il y a de bonnes chances pour que le secteur privé soit intéressé. C'est dans sa nature. Et s'il refuse de se lancer, c'est le plus souvent parce que ce n'est pas faisable, pas rentable ou pas logique.

D'autant plus qu'il n'est pas du tout évident que les retombées les plus intéressantes se trouvent du côté de la transformation. Depuis quelques années, le Québec a surtout profité des retombées en amont, qui génèrent beaucoup d'activité, qui développent un savoir-faire qu'on exporte à travers le monde - exploration, géologie, nouvelles technologies, équipements, services financiers et juridiques. Un potentiel énorme, et en plus, réaliste.

Par contre, les gains du côté de la transformation semblent assez limités. Pour le fer, 60% de nos expéditions, il y a déjà de la transformation avec le bouletage. Veut-on vraiment aller plus loin avec des fonderies? Pour l'or, notre deuxième production, avec 22%, la question ne se pose pas, on produit des lingots. La politique s'appliquerait au reste. On est plus dans le concept théorique que dans la stratégie concrète.

Surtout que le Québec n'a aucun rapport de forces. Nous sommes un très petit joueur, avec 1% de la production mondiale d'or, 0,7% du fer, avec des coûts élevés. Nous avons 13 mines, l'Australie, 249! Le Québec n'est pas incontournable. Les investisseurs peuvent aller ailleurs.

Quand on ajoute cette épée de Damoclès de la transformation au reste - un parti hostile aux minières en campagne électorale, une ministre peu tendre envers l'industrie, une nouvelle politique de redevances qui impose le fardeau le plus lourd au Canada - bien des gens, à travers le monde, seront tentés de conclure que le Québec n'aime pas le développement minier.