Le maire de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, bloque actuellement un projet de ligne d'autobus de la Société des transports de Montréal qui doublerait la ligne de métro orange, mais qui a le malheur de traverser le Plateau.

À la rigueur, on peut comprendre que l'arrondissement cherche à limiter la circulation automobile pour préserver la qualité de vie de ses citoyens. Mais quand on s'oppose au développement du transport en commun et au passage d'autobus sur une artère comme de Lorimier, on quitte le terrain de la qualité de vie urbaine pour basculer dans une logique d'enclave, l'équivalent bobo de la clôture de Ville Mont-Royal.

Cet incident, parmi bien d'autres, illustre à quel point Montréal est ingouvernable. Il nous rappelle que les arrondissements, dans leur forme actuelle, sont une aberration, et que le concept même de maire d'arrondissement doit être remis en question.

Voilà pourquoi le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a bien raison quand il propose de réduire le nombre d'arrondissements de 19 à 12, le nombre d'élus de 103 à 61, et d'éliminer la fonction de maire d'arrondissement, pour simplifier le fonctionnement de la ville et donner plus de pouvoir à la mairie. Mais le timing est raté, parce qu'il est trop tard pour qu'une réforme puisse être mise en place avant les élections de novembre.

Toutefois, il est clair que Montréal ne pourra pas décoller, peu importe qui la dirige, si l'on ne répare pas les dégâts laissés par l'aventure des fusions.

Au départ, le projet de fusions municipales du gouvernement Bouchard et de sa ministre d'alors, Louise Harel, était conceptuellement intéressant. Il devait donner plus de cohérence à la gestion et procurer des économies d'échelle.

Mais la réforme comportait des défauts qui l'ont empêché d'atteindre ses objectifs : le régime syndical a fait exploser les coûts, le manque de sensibilité à l'égard de la communauté anglophone a créé un mouvement d'opposition féroce, et l'arrivée des banlieues à l'Hôtel de Ville a créé ce que l'on pourrait appeler l'effet Zambino.

Le gouvernement Charest a empiré les choses en choisissant de tenir une promesse stupide, celle de soumettre les fusions à un référendum. Cela a donné lieu à un débat débilitant et à du raboudinage institutionnel, quand Québec a laissé trop de pouvoirs aux villes de banlieue pour les convaincre d'accepter la fusion et choisi de donner ces mêmes pouvoirs aux anciens quartiers. Un Frankenstein urbain était né.

Résultat : une structure folle, où les objectifs louables de proximité ont plutôt donné naissance à la balkanisation et rendu ingérables des projets simples comme la coordination du déneigement. Mais surtout, les arrondissements sont devenus des fiefs, leurs maires des roitelets à la tête de lieux de contre-pouvoir.

Le nombre d'élus n'est pas le principal problème, mais plutôt un symptôme de ce mal plus profond. Montréal, avec tous ses conseillers et ses maires, se retrouve avec 103 élus pour une population de 1,6 million. New York, avec 8,1 millions d'habitants, compte 51 élus. Toronto, avec 4 millions, 45 élus.

Maire pendant 11 ans, Gérald Tremblay aurait pu s'attaquer à ces problèmes qui ont contribué à paralyser son administration. Mais, prisonnier de ses alliances politiques avec les maires des ex-villes de banlieue, il a toujours refusé de parler de ce qu'il appelait des problèmes de structures.

Il est vrai qu'en soi, la réforme de structures n'est pas une priorité. Mais c'est un outil. Un maire doit pouvoir compter sur un système politique fonctionnel s'il veut agir. Et dans l'état actuel des choses, le prochain maire de Montréal, le jour de sa victoire, aura déjà des menottes aux poignets.