Un vent de fronde contre l'austérité budgétaire souffle sur l'Europe. Le tout nouveau gouvernement italien d'Enrico Letta promet de mettre fin aux politiques d'austérité, le président du Parlement européen les dénonce, et le Parti socialiste français s'engage dans une dénonciation de la chancelière allemande Angela Merkel et de ses politiques.

Cette fronde repose sur une colossale confusion, ou plutôt sur une forme d'aveuglement volontaire. La crise qui frappe plusieurs pays européens n'a pas été provoquée par les mesures d'austérité.

Ce ne sont certainement pas les timides mesures de redressement du gouvernement français qui ont provoqué l'explosion du chômage dans ce pays. Ni l'austérité qui a mis la Grèce en faillite - ce serait plutôt l'inverse - ou qui a plongé dans la récession plusieurs pays de la zone euro, mais plutôt la fragilité de l'édifice européen. Ni les compressions qui ont provoqué le marasme espagnol, mais l'effondrement du secteur immobilier qui soutenait artificiellement la croissance.

Cette fronde fait également abstraction d'un fait observable. Les pays qui ont entrepris de vastes réformes - assainissement de leurs finances publiques, redéfinition de l'État providence, assouplissement du marché du travail, efforts de compétitivité - passent assez bien à travers la période actuelle, tandis que ceux qui ont choisi le statu quo sont maintenant en crise profonde.

La France doit composer avec un taux de chômage de 10,7%... l'Allemagne avec 5,6%. Le Royaume-Uni, pourtant malmené, a ramené son chômage à 8,3%... tandis que celui de l'Italie se maintient à 11,4%. Les pays scandinaves et le Canada se maintiennent dans les 7%.

Parce que ces pays, dont le nôtre, ont fait des sacrifices, ils ont mieux résisté au choc de la crise mondiale, le retour à l'équilibre budgétaire y est plus facile et leur économie, plus résiliente, traverse mieux les turbulences actuelles. Les pays qui ont remis les réformes à plus tard, comme la France et de l'Italie, en paient le prix.

Par contre, il est vrai que ces pays qui s'en tirent mieux maintenant avaient entrepris leurs réformes il y a plusieurs années, quand les choses allaient bien. C'est évidemment beaucoup plus difficile de faire le ménage en période de crise. C'est ce que vivent plusieurs pays. Les politiques d'austérité, si elles sont trop brutales, tuent la croissance économique potentielle, l'absence de croissance affecte les finances publiques, l'aggravation de la situation budgétaire exige d'autres mesures d'austérité et ainsi de suite. Un cercle vicieux qui, par exemple, empêche un pays comme l'Espagne de s'en sortir. Voilà pourquoi il faut faire preuve de modération dans l'austérité.

Mais ce dont il faut se rappeler, c'est que ce ne sont pas ces politiques de redressement budgétaire qui sont à l'origine des difficultés, et qu'en dénonçant l'austérité, on s'attaque aux conséquences du problème, plutôt qu'à ses causes.

Voilà pourquoi des sorties comme celles du Parti socialiste français relèvent du délire idéologique. Le président socialiste de l'Assemblée nationale a appelé à la confrontation avec l'Allemagne, un document interne du parti parle de «l'intransigeance égoïste d'Angela Merkel», comme si c'était la chancelière allemande qui avait plongé la France dans le marasme.

Ce sursaut de germanophobie exprime plutôt un mélange indigeste de refus de l'inévitable, d'attachement au statu quo, de jalousie envers les pays qui ont réussi, d'efforts désespérés pour trouver un coupable étranger à un problème pourtant bien français.

Et cela mène à la pensée magique, comme on le voit en Italie, dont le premier ministre promet de mettre fin aux compressions et aux hausses d'impôt.

Parce qu'il y a une réalité incontournable. Peu importe la façon et le rythme, les déséquilibres budgétaires provoqués par la crise devront être corrigés tôt ou tard, et cela ne pourra pas se faire autrement qu'avec des sacrifices.