Un gros débat fait rage à Ottawa, à la Chambre des communes. Faut-il laisser la loi sur la clarté référendaire telle quelle, comme le croient les libéraux et les conservateurs, et donc accepter de négocier avec le Québec après un référendum gagnant seulement si la question est claire et la majorité est claire? Faut-il l'abroger, comme le voulait le Bloc en proposant un projet de loi qui a été battu à plate couture mardi? Ou faut-il la modifier pour accepter le principe de la majorité simple, 50% des voix plus une, comme voudrait le proposer le NPD dans un autre projet de loi?

Méchant débat. Ou plutôt, débat méchamment déconnecté. Pendant que les parlementaires fédéraux ergotent sur la majorité requise à un référendum, la question, au Québec, n'est pas de savoir si le projet souverainiste devrait l'emporter avec 50% des voix plus une, mais plutôt s'il serait capable de récolter 33% des voix plus une.

La dernière enquête de CROP, publiée dans La Presse il y a deux semaines, révélait que 30% des répondants auraient voté «oui» lors d'un référendum sur la souveraineté, 59% auraient voté «non», tandis que 11% restaient indécis. Avec une répartition proportionnelle des indécis, on en arrive à un score de 34% pour «oui» et de 66% pour le «non».

Du deux pour un. Il y a actuellement deux fois plus de Québécois opposés à la souveraineté que de partisans de la souveraineté. En outre, le PQ a été incapable de profiter de sa victoire électorale pour faire progresser l'appui à son option, qui a plutôt baissé depuis septembre dernier. La tenue d'un référendum est donc extrêmement improbable, et une victoire de la souveraineté impossible avant très longtemps.

Pourquoi alors ce débat à Ottawa? Il faut y voir une manoeuvre politique du Bloc Québécois pour piéger le NPD, qui avait, dans une autre incarnation, appuyé la loi sur la clarté référendaire, mais qui doit maintenant composer avec le fait que sa base québécoise est largement composée d'ex-bloquistes. Ce qui a amené le NPD à proposer son propre projet de loi sur la question. Un flirt de Thomas Mulcair à l'égard du Québec qui tombe vraiment à plat, parce que s'il y a une chose dont les Québécois ne veulent pas entendre parler, c'est bien de référendum.

Ce débat oiseux aura aussi donné l'occasion au candidat libéral Justin Trudeau de dire une autre ânerie en affirmant qu'il faudrait une majorité des deux tiers à référendum, pour ensuite s'embrouiller et se dédire. La sagesse aurait voulu qu'il appuie la loi sur la clarté référendaire adoptée par un gouvernement libéral, son propre parti, qui s'appuyait sur un jugement de la Cour suprême.

Mais plus profondément, ce débat illustre à quel point la classe politique, à l'exception de François Legault, a tendance à faire abstraction de cette donnée pourtant fondamentale de notre réalité politique. Les députés fédéraux parlent de souveraineté en faisant semblant qu'elle est à nos portes. Les souverainistes font semblant que les sondages accablants n'existent pas.

La plus belle illustration de ce contexte nouveau, c'est que Jacques Parizeau, pour susciter un peu de ferveur, a été obligé, le week-end dernier, de se rabattre sur la tribune d'un groupuscule, Option nationale.

L'effondrement de l'appui à la souveraineté est pourtant le facteur qui, actuellement, exerce la plus grande influence sur notre vie politique. Cela explique les succès du NPD aux dépens du Bloc québécois. Cela explique l'effritement des forces souverainistes. Cela explique largement l'incapacité du PQ d'avoir obtenu une victoire majoritaire en septembre. Cela explique pourquoi le parti de Pauline Marois, avec 30% des intentions de vote, est encore nez à nez avec des libéraux sans chef.