La semaine dernière, le gouvernement Marois s'est retiré d'un groupe de travail sur la santé du Conseil de la fédération pour dénoncer le fait que les activités de cet organisme interprovincial allaient «à l'encontre des intérêts du Québec».

Dans une lettre à leurs collègues canadiens, les ministres des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, et de la Santé, Réjean Hébert, ont expliqué pourquoi: «La participation du gouvernement fédéral est désormais souhaitée par certaines provinces». Un souhait? Certaines provinces? L'Île-du-Prince-Édouard?

On peut comprendre que le Québec veuille que le fédéral n'intervienne pas en santé, domaine de juridiction provinciale. Mais cette fois-ci, l'argument évoqué pour justifier la chaise vide, ou plus précisément, la stratégie de la «baboune», semblait bien mince.

Bien des gens se résigneront au fait qu'un gouvernement partisan de la gouvernance souverainiste pose de temps à autre des gestes de ce genre, en se disant que c'est futile, mais sans grande conséquence. Mais la chaise vide, en santé, a un prix.

Un des outils les plus précieux pour améliorer le système de santé, c'est la comparaison avec les autres, pour échanger des expériences et pour mesurer la performance. L'exercice est encore plus pertinent quand on le fait avec des régimes similaires. Et même si chaque province a son propre système de santé, ces systèmes provinciaux, encadrés par la loi canadienne sur la santé, sont très proches les uns des autres.

Voilà pourquoi il faut éviter de couper les ponts avec les autres provinces, comme vient de le faire le gouvernement péquiste, et comme il l'avait fait dans les années 90, en refusant de participer à l'Institut canadien d'information sur la santé, parce que le fédéral y mettait de l'argent. Pourtant, on sait maintenant à quel point les travaux et les statistiques de cet organisme ont joué un rôle utile.

Cette réticence à l'égard du reste du Canada semble très présente dans le réseau de la santé, où on semble souvent à avoir du mal avec des indicatifs régionaux 416, 613, 403 ou 604, et où, bien sûr, on préfère aller regarder ce qui se passe en Europe plutôt qu'en Alberta.

C'est un peu ce qu'a fait le ministre Hébert, qui revient d'une mission en France et en Belgique, notamment pour regarder de plus près le financement à l'activité pour les hôpitaux, une piste prometteuse pour rendre notre réseau plus efficace. Le ministre est revenu de France un peu refroidi, notamment parce que la formule française lui semble mal adaptée à notre régime entièrement public. Peut-être qu'un voyage en Alberta, en Ontario, ou en Colombie-Britannique, trois provinces plus en avance que nous à ce chapitre, aurait été plus fructueux.

La connaissance de ce qui se fait ailleurs au Canada a pourtant été utile au ministre Hébert, dans un autre dossier où il s'est distingué, l'élargissement des responsabilités des pharmaciens. Un des arguments pour contrer les résistances corporatistes de la Fédération des médecins omnipraticiens, c'est les progrès réalisés dans les autres provinces.

C'est aussi la comparaison avec les autres provinces qui sert de base aux négociations sur la rémunération des médecins, qui aide à négocier à la baisse le prix des médicaments ou qui nous permet de réaliser à quel point le Québec accumule du retard dans le recours aux infirmières cliniciennes. Un dossier de L'Actualité révèle que le Québec accuse 10 ans de retard avec ses 167 praticiennes, contre 2032 en Ontario.

Pour toutes ces raisons, la politique de la «baboune» est dangereuse en santé. Elle nous prive d'informations, de connaissances, d'expériences et d'échanges. Ce n'est jamais une bonne idée de sacrifier la science sur l'autel de la politique.