J'ai écrit, il y a à peine 10 jours, une chronique sur les menaces qui pèsent sur l'une des trois grandes industries de pointe où le Québec s'impose, le secteur des sciences de la vie. Ce domaine de haute technologie est affecté par la crise des multinationales pharmaceutiques.

Je disais qu'il ne fallait pas délaisser cette industrie essentielle et qu'il fallait développer de nouveaux modèles de soutien. Si les multinationales se désengagent, il faut renforcer les autres pôles de ce secteur, notamment celui de la recherche publique.

Eh bien, le gouvernement du Québec a plutôt choisi de l'affaiblir.

Les compressions de 10 millions dans le Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS) auront certainement un impact négatif et viendront peser encore davantage sur les difficultés de cette filière.

Il y a quelque chose qui est difficile à comprendre dans les choix du gouvernement Marois qui a des liens de proximité avec le monde de l'université, de l'enseignement, de la recherche, de la culture, du savoir. Et pourtant, ce gouvernement se comporte de façon particulièrement brutale avec ceux qui sont pourtant ses alliés naturels.

Depuis quelques mois, on en a eu quelques exemples troublants, comme les coupes de dernière minute aux universités, l'étonnante négation de l'existence d'un sous-financement universitaire. Il y a un dénominateur commun à ces trois incidents: Pierre Duchesne, à qui on a confié la direction d'un nouveau ministère, baptisé pompeusement ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie. M. Duchesne, qui consacre le gros de ses énergies à gérer les carrés rouges, ne semble pas avoir les sensibilités qu'exige la fonction stratégique de son portefeuille.

Le Fonds de recherche du Québec-Santé est un organisme subventionnaire qui distribue une centaine de millions en subventions à chaque année, dont 80 millions proviennent du trésor québécois. Cette contribution passera à 70 millions. Ce fonds subventionne des centres de recherche, des groupes de recherche, et donne presque 1000 bourses à des étudiants de maîtrise et de doctorat ou pour des recherches postdoctorales.

Comme le FQRS est un organisme subventionnaire, si on coupe 10 millions dans son budget, il devra couper ses subventions. Des projets seront abandonnés, de jeunes chercheurs devront abandonner leurs travaux ou poursuivre leurs recherches ailleurs. Les compressions ne paraîtront pas tout de suite, mais elles auront des conséquences pour l'avenir, comme l'a admis le ministre de la Santé, Réjean Hébert. C'est encore pire.

Cette décision malheureuse s'explique en bonne partie par le fait que le gouvernement Marois, dans la lutte au déficit, s'est enferré dans une logique de coupes aveugles, un peu comme le gouvernement Harper. Je comprends que les efforts de réduction du déficit sont une tâche ingrate. Je suis conscient du fait qu'il est très facile de dénoncer les compressions prises une à une, en oubliant le contexte financier.

Mais il faut faire preuve de finesse dans les choix. Le mot d'ordre du gouvernement Marois, c'est l'optimisation. Fort bien. Cette logique voudrait toutefois que l'on concentre les compressions là où l'optimisation est possible, plutôt que dire que «tout le monde doit faire sa part», ce qui mène à des coupes aveugles. Pour un organisme subventionnaire, qui soutient de la recherche à long terme, il n'y a pas d'optimisation possible. Moins d'argent, c'est moins de soutien.

Dans des efforts de compression, il faut aussi s'attaquer à l'inutile pour préserver l'essentiel. La recherche, dans une société qui mise sur le savoir, est absolument essentielle, c'est l'une des clés de notre avenir. Et dans le cas de la recherche en santé, elle mène, un jour, à des découvertes qui aident les gens, qui sauvent des vies. On y pense deux fois avant d'y toucher.