La Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec a rendu publique hier une mise à jour de son étude sur le sous-financement des universités québécoises. Selon ses calculs, l'écart avec les universités du reste du Canada a augmenté, pour atteindre 850 millions en 2009-2010. Sur une période de sept ans, ce manque à gagner a totalisé 4,5 milliards.

Comment a réagi Pierre Duchesne, ministre de l'Éducation supérieure? Soucieux d'être à l'écoute et de rester neutre, il s'est borné à dire: «Il est intéressant que de nouvelles études soient déposées. Nous sommes favorables à cela. Toute étude est utile. On va ensuite les évaluer.»

En politique, la neutralité n'est pas toujours une vertu. Surtout quand elle prend les allures d'une forme de négationnisme. On n'a vraiment pas besoin d'un match de ping-pong où différents groupes se lanceront des chiffres par la tête. Ce qu'on veut, c'est avoir l'heure juste, pour que les politiques soient basées sur des faits. Ce travail de recherche factuelle, pour connaître l'état de santé financière de nos universités, aurait dû être entrepris par le ministère de l'Éducation lui-même. La neutralité apparente du ministre est une troublante forme de démission.

L'autre problème, c'est le relativisme intellectuel de M. Duchesne, pour qui tous les points de vue semblent égaux. Il est évident que la CRÉPUQ défend des intérêts - ceux des universités. Mais son étude est fouillée. Dans cette mise à jour, elle a raffiné les calculs et fait évaluer la validité de la démarche par un centre de recherche respecté, le CIRANO.

Évidemment, on pourra toujours répondre qu'un tel centre de recherche interuniversitaire sera du bord des recteurs. Mais s'il y a un endroit où on devrait respecter le savoir, c'est bien dans un débat sur les universités. Accepter le fait que des recherches faites par des spécialistes de leur domaine ont, a priori, un degré de crédibilité que n'auront pas des documents pondus dans une assemblée générale de l'ASSÉ ou par des associations de cégépiens.

L'approche de la CRÉPUQ, testée dans le temps, est assez sérieuse pour que tous les gouvernements avant celui-ci l'aient acceptée. C'est ce que nous avons de plus crédible, certainement plus que l'obscur bulletin niant l'existence du problème que le ministre avait brandi. Le bon sens impose que l'on reconnaisse l'existence de cet égard.

S'il y a un trou de 850 millions, ce n'est pas parce que le gouvernement du Québec est pingre. Nos universités reçoivent 72 millions de plus que dans les autres provinces. Mais, on le sait, les droits de scolarité plus bas les privent de 712 millions, et la maigreur de leurs fonds de dotation d'un autre 210 millions.

Comment réduire cet écart? On ne peut plus augmenter les droits de scolarité. Ce dossier est mort pour longtemps. Et l'indexation ne réussira qu'à empêcher l'écart de s'élargir. On peut miser sur le mécénat, mais ça prendra une génération. Et on ne peut pas compter non plus sur la générosité d'un gouvernement pris à la gorge. Reste la gestion, qui a le dos large. Il y a certainement du gaspillage dans les universités. Mais son élimination ne permettra jamais de combler un écart de 23% avec le reste du Canada. D'autant plus que dans un budget qui comprend surtout ses salaires, il faudrait couper dans le personnel, ce qui, dans un cruel effet de boomerang, pénaliserait surtout les étudiants.

Nous sommes dans une impasse. Dans l'état actuel des choses, il faut se résoudre à accepter que notre réseau universitaire, pourtant la clé de notre développement, restera affaibli. Plus simple de nier les chiffres et de faire semblant que le problème n'existe pas.