Les gens sont scandalisés, à juste titre, par l'étendue de la corruption dans la construction. Ils veulent que ça change. On peut donc comprendre la volonté du gouvernement Marois, partagée par les partis d'opposition, de faire rapidement le ménage pour restaurer la confiance des citoyens, sans attendre les conclusions de la commission Charbonneau.

Mais cette précipitation a un coût. Elle risque de nous donner des solutions imparfaites qui, en outre, ne régleront pas vraiment les dérives qui nous choquent tous.

Le projet du ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, de plafonner les dons aux partis politiques à 100$ par personne est certainement attrayant. Il frappe l'imagination. Il atteindra aussi l'objectif que M. Drainville avait en tête lorsqu'il a d'abord émis cette idée comme militant du Parti québécois, soit de favoriser un renouveau démocratique.

Ce n'est cependant pas une solution parfaite. Avec un plafond de 100$, il est vrai qu'on met fin au financement corporatif déguisé, le jeu des prête-noms. On introduit aussi un élément d'égalité dans le financement.

Mais on crée plein de problèmes. On limitera la capacité des partis de recueillir les fonds dont ils ont besoin, ce qui sera encore plus aigu pour les petits partis. Cela mènera inévitablement à réduire le plafond des dépenses des partis, ce qui n'est pas nécessairement souhaitable pour la vie démocratique, et à augmenter le financement public des partis, ce qui peut provoquer d'autres distorsions, comme pénaliser ceux qui ont plus de dynamisme sur le terrain.

N'oublions pas que personne n'est vraiment neutre dans ce dossier. Chaque parti privilégie les solutions qui l'avantagent: les plafonds bas pénalisent moins le PQ qui a une base militante large, une limite aux dépenses arrange la CAQ qui a moins d'argent, tandis que le PLQ profite du statu quo.

Le hic, c'est que ces mesures ne contribueront pas beaucoup à régler les problèmes qui s'étalent jour après jour à la commission Charbonneau. D'abord, parce qu'un changement de la loi électorale n'aura pas beaucoup d'effet sur les activités qui sont déjà illégales, comme les enveloppes brunes.

Mais surtout, parce qu'on définit mal l'enjeu. Le coeur de la pourriture dans la construction, ce n'est pas le financement des partis politiques provinciaux, qui ne sont ni les initiateurs des stratagèmes ni, et de loin, les principaux bénéficiaires.

Le nettoyage de la construction passera d'abord par une lutte accrue contre le crime organisé et un encadrement des appels d'offres. Mais aussi par une surveillance accrue des municipalités. Or, le projet du ministre Drainville ne porte absolument pas sur les partis municipaux, pourtant au coeur de la tourmente.

Cette insistance démesurée sur ce qui n'est qu'un aspect du problème s'explique sans doute par le fait qu'au Québec, les grands débats nationaux se font à travers le prisme de la politique provinciale, et qu'on peut comprendre que le PQ et la CAQ insistent sur la question du financement des partis, là où les libéraux sont très vulnérables.

Par ailleurs, le resserrement des règles de financement aura peu d'effet sur un autre problème, plus diffus, qui dépasse largement la construction: le favoritisme politique. On sait à quel point les donateurs se retrouvent souvent chez les avocats, les ingénieurs, les entrepreneurs ou tous ceux qui espèrent retirer un avantage.

On a donc établi un lien de cause à effet un peu réducteur entre les dons politiques et les faveurs obtenues. En fait, il est plutôt probable que si on limite les dons, les rapports de proximité politique et les amitiés intéressées trouveront d'autres modes d'expression. Et que la tradition voulant que les partis au pouvoir aient tendance à récompenser leurs proches ne changera pas beaucoup.